Le Royaume-Uni va renforcer son arsenal nucléaire



Londres a dévoilé mardi sa revue stratégique pour les dix prochaines années en matière de sécurité, défense et politique étrangère. Le texte prévoit notamment de renforcer l’arsenal nucléaire du pays, et désigne la Russie et la Chine comme ses principales menaces.

Pour son premier geste d’envergure post-Brexit, “Boris Johnson a décidé de repositionner le Royaume-Uni dans le monde avec un pari inattendu : augmenter son arsenal nucléaire et mettre brutalement fin au désarmement entamé il y a 30 ans à la fin de la Guerre froide”, observe El Mundo.

De fait, le Premier ministre britannique a pris le contre-pied de tous ses prédécesseurs, en décidant de porter à 260 le nombre d’ogives nucléaires du programme Trident – contre 195 aujourd’hui. La précédente revue stratégique, en 2010, prévoyait au contraire de réduire le nombre d’ogives nucléaires à 180, à l’horizon 2025.

Un objectif “qui n’est plus réalisable” en raison de “l’évolution de la situation sécuritaire” au cours des dix dernières années, explique le texte.

Le leader de l’opposition travailliste, Keir Starmer, a estimé que la décision de Boris Johnson rompait aussi avec “les efforts multipartites pour réduire l’arsenal nucléaire”, rapporte le Washington Post. Si les travaillistes “restent favorables au programme de sous-marins Trident et au maintien d’une force de dissuasion crédible”, ils reprochent au Premier ministre de ne pas expliquer le “but stratégique” d’un tel revirement.

Dans les colonnes du Temps, Beatrice Fihn, directrice exécutive de la Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires (ICAN), ne cache pas sa colère, dénonçant une décision irresponsable, dangereuse et violant le droit international.

“Pendant que le peuple britannique se bat face à la pandémie, à une crise économique, à la violence contre les femmes, au racisme, le gouvernement choisit d’augmenter l’insécurité et les menaces dans le monde”, écrit-elle. “Cette décision, si elle est mise en œuvre, violerait les propres engagements de Londres pris dans le cadre du Traité sur la non-prolifération nucléaire”.

La revue stratégique – un document de plus de 100 pages – “se présente comme la révision la plus complète en matière de sécurité et de politique extérieure réalisée par le Royaume-Uni depuis la fin de la Guerre froide”, remarque El País. “Johnson avait commandé sa rédaction à son arrivée au pouvoir, en 2019, mais l’irruption de la pandémie de Covid-19 a retardé sa présentation d’un an”.

“Décalage”

Le texte lève également le voile sur la politique étrangère du Royaume-Uni post-Brexit. La Russie y est qualifiée de “menace directe la plus aiguë contre le Royaume-Uni”, tandis que les États-Unis restent la “relation bilatérale la plus importante” du pays, détaille le Daily Telegraph.

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Quant à la relation avec la Chine, elle relève de la “quadrature du cercle”, assure The Guardian. Le texte “maintient que la Chine et le Royaume-Uni bénéficient tous deux du commerce et des investissements bilatéraux”, tout en estimant que “la Chine représente la menace d’État la plus importante pour la sécurité économique du Royaume-Uni”.

La revue stratégique place aussi beaucoup d’espoirs dans les relations commerciales avec la région indo-pacifique – une orientation que la BBC interprète comme “un éloignement de l’Europe”. “De façon générale, l’argument central de M. Johnson est que la sortie de l’Union européenne rendra le Royaume-Uni plus agile et flexible, que ce soit pour traiter avec la Chine, devenir une superpuissance scientifique, ou quoi ce soit d’autre”.

Mais le Financial Times estime qu’il y a un “décalage entre l’ampleur des ambitions et les ressources et capacités disponibles”, notamment en matière militaire.

“Il aurait été plus réaliste pour le Royaume-Uni d’assumer un rôle de puissance européenne importante, avec des intérêts mondiaux”, ajoute le quotidien économique. “Car au-delà des défis posés par Pékin, les principales menaces auxquelles doit faire face le Royaume-Uni – la Russie, l’islamisme, le terrorisme d’extrême-droite, les mouvements migratoires incontrôlés, les cyberattaques de l’Iran ou de la Corée du Nord – sont toutes partagées par nos voisins européens”.





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