Qui pour parler avec les talibans ?



Chaque semaine, Courrier international explique ses choix éditoriaux et les débats qu’ils suscitent parfois au sein de la rédaction. Dans ce numéro, nous mettons à nouveau en avant l’Afghanistan, d’un point de vue plus géopolitique cette fois. Les Américains partis, les cartes sont redistribuées dans la région. Et rien ne se fera sans la Chine, la Russie, le Pakistan et l’Iran.

Ils ont établi comme “ligne rouge” le mardi 31 août. À cette date, tous les soldats américains devront avoir quitté l’Afghanistan sous peine d’une “réaction”, a averti un porte-parole des talibans dans un entretien donné à la chaîne Sky News, à Doha (Qatar) et diffusé lundi 23. Une déclaration qui contraste avec l’apparente quête de légitimité manifestée ces derniers jours par les dirigeants du mouvement. De retour au pouvoir à Kaboul vingt ans après en avoir été chassés, les talibans ont ainsi entamé des discussions pour la constitution d’un gouvernement annoncé comme “inclusif”, mais aucun exécutif ne sera formé tant que tous les soldats américains ne seront pas partis, ont-ils prévenu.

Ils ont été entendus. Mardi 24 août, Joe Biden, malgré la pression de ses alliés européens, a fait savoir qu’il maintenait la date du 31 août pour le retrait des troupes américaines. En début de semaine, des milliers de personnes étaient pourtant encore à l’aéroport de Kaboul dans l’attente d’une évacuation par des vols militaires ou commerciaux, évacuation qui s’annonce comme “l’une des plus importantes de l’histoire de l’armée de l’air” après celle de Saïgon en 1975. Selon le South Asia Journal,l’armée de l’air américaine dispose de plus de 230 avions-cargos, avions-citernes et autres appareils engagés dans le pont aérien massif en cours”.

Comment éviter le bain de sang ? Comment ne pas reproduire les mêmes erreurs et établir, malgré tout, un dialogue avec les talibans ? Après le choc de la chute de Kaboul, que nous avons largement raconté la semaine dernière, c’est sur l’après que nous avons choisi de nous concentrer cette semaine. Qui pour prendre langue avec le nouveau régime ?

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Pour l’hebdomadaire américain de gauche The Nation, les États-Unis vont devoir revoir radicalement leur stratégie dans la région. Et composer notamment avec la Chine, l’Iran, le Pakistan et la Russie, qui auront leur mot à dire dans la reconstruction et la stabilisation du pays. Paradoxalement, “il existe un terrain d’entente, écrit The Nation. Ni les États-Unis, ni la Chine, ni l’Iran ni la Russie ne veut voir l’Afghanistan plonger dans le chaos, et aucun de ces pays ne peut éviter cette issue sans l’aide des autres”. Une solution globale, donc, et qui inclut forcément les talibans.

Surtout, Pékin et Moscou auront du mal à ne pas s’impliquer dans le règlement de la question afghane, souligne l’éditorial de Nezavissimaïa Gazeta, même si au fond “ni la Chine ni la Russie ne voulait reprendre le flambeau américain. Mais avec l’Afghanistan il sera difficile de respecter les principes de distanciation et de non-ingérence”, explique le quotidien russe.

Quelle attitude adopter à l’égard des talibans ? s’interroge HK01. “Ce qui inquiète le plus la Chine, c’est que cette crise, si elle s’inscrivait dans la durée, pourrait ruiner les efforts déployés par Pékin pour combattre le terrorisme dans le Xinjiang [région qui dispose d’une frontière avec l’Afghanistan]”, estime le site hongkongais.

Pour le moment, les dirigeants talibans veulent convaincre le monde “qu’ils ne laisseront pas le pays redevenir une plaque tournante du terrorisme”, analyse le site Gandhara. Ils sont encore loin d’avoir convaincu.

Claire Carrard





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