le monde ne deviendra pas occidental



Pour le philosophe politique Luuk van Middelaar, les leçons de l’histoire sont claires. Vingt ans après le 11 Septembre qui a vu l’apogée de l’universalisme européen, la débâcle par laquelle s’est conclue la campagne d’Afghanistan nous oblige à nous interroger sur notre rapport au monde et à cesser de croire que nous pouvons imposer nos valeurs par la force. 

L’automne 2001 aura été le point d’orgue de l’universalisme occidental, cette conviction que le monde entier peut et va devenir comme nous. Menés par George W. Bush, les États-Unis et leurs alliés s’en sont allés libérer l’Afghanistan des talibans et y apporter sécurité, démocratie et droits humains, y compris aux femmes, aux filles et aux homosexuels. Cette mission, on le sait aujourd’hui, a été un fiasco intégral. Depuis le 15 août, les talibans ont repris le pouvoir dans le pays et des dizaines de milliers d’Afghans (avant tout des jeunes) quittent leur patrie.

Ce même automne 2001, l’inébranlable foi en la mondialisation s’est manifestée une deuxième fois lorsque, le 11 décembre, la Chine est devenue membre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Moins spectaculaire, cet épisode repose pourtant sur le même espoir : l’intégration de la Chine communiste dans l’économie internationale devait lui apporter le développement économique et la conduire vers la liberté politique. “Notre plus grand produit d’exportation, clamait George W. Bush en l’an 2000, dans un flamboyant discours au sujet de l’OMC, ce ne sont pas nos biens alimentaires, ni nos films ou nos avions. Notre plus grand produit d’exportation, c’est la liberté. Et le peuple chinois est prêt à l’accueillir.”

Ce second pari de l’année 2001 a lui aussi mal fini. Certes, les investisseurs étrangers ont afflué et des centaines de millions de Chinois sont sortis de la pauvreté, mais, à partir de 2012, le président Xi Jinping a repris les rênes du pays d’une main de fer. Loin d’apporter la démocratie, la nouvelle prospérité économique a servi d’appui au régime autocratique. Ainsi renforcé, Xi Jinping a pu défier l’ordre mondial occidental en déployant son pouvoir bien au-delà des frontières chinoises – que ce soit au moyen des nouvelles routes de la soie, des acquisitions dans le secteur des technologies ou, plus récemment, de la diplomatie vaccinale. Quant aux États-Unis, ils se retrouvent confrontés à un adversaire de poids dans les domaines économique, technologique et militaire.

Voir aussi  Poulet à la Sauce Aigre-Douce WW - Plat et Recette

L’âge d’or universaliste et interventionniste qui a fait suite au 11 Septembre a donc abouti à un double échec cuisant pour les États-Unis : d’une part ils ont semé le chaos en Afghanistan, et peu après en Irak et au Moyen-Orient, d’autre part ils ont catapulté la Chine sur le podium des puissances mondiales. Mais quelles conclusions stratégiques en tire donc Washington ?

La rhétorique idéologique est toujours la même

La première conclusion, c’est Donald Trump qui l’a livrée : America First, “l’Amérique d’abord”, une formule qui tient lieu à la fois de slogan et de ligne directrice en matière de géopolitique. Cette réponse succincte aux déboires de la passion universaliste a rencontré, et rencontre aujourd’hui encore, un vif écho auprès des électeurs américains. Beaucoup d’entre eux en ont en effet assez de ces guerres lointaines et accusent l’ascension économique chinoise d’être à l’origine de la progression du chômage chez eux.

La seconde conclusion, qui prévaut à nouveau à Washington depuis la victoire de Joe Biden, est la suivante : notre histoire de liberté et de démocratie n’a rien perdu de sa valeur. America is back, “l’Amérique est de retour”. Une ligne droite relie les campagnes américaines de l’après-11 Septembre à la nouvelle croisade contre la Chine. Pour preuve, l’idéologue néoconservateur Robert Kagan, moteur de la guerre contre l’Irak en 2003, et le démocrate Antony Blinken, aujourd’hui ministre des Affaires étrangères de Biden, se sont unis en 2019 pour plaider la création d’une “ligue des démocraties” contre les États autoritaires. Pour l’élite de Washington, les méfaits de Saddam à l’époque et le sort des Ouïgours aujourd’hui s’inscrivent dans un même récit, construit sur l’idée que l’Amérique doit être à l’avant-poste de la guerre du Bien contre le Mal.

Voir aussi  10 recettes de mets asiatiques à préparer à la maison | Fraichement Pressé

Le président Biden, issu de cette école, reconnaît cependant l’aversion de ses électeurs pour ces aventures lointaines. Il louvoie entre un retrait égoïste à la Trump et un engagement belliqueux à la Blinken et Kagan. Pas question pour lui de sacrifier les filles et les fils de l’Amérique sur l’autel des

[…]

Luuk van Middelaar

Lire l’article original

L’auteur

Luuk van Middelaar est né en 1973 aux Pays-Bas. Historien et philosophe politique, c’est un observateur attentif des enjeux européens. Il a été proche conseiller de l’alors président du Conseil européen Herman Van Rompuy et est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont Quand l’Europe improvise (Gallimard, 2018). Il enseigne le droit européen à l’université de Leiden et signe régulièrement des chroniques dans NRC Handelsblad aux Pays-Bas et De Standaard en Belgique.

Quel lien établir avec les talibans ?

Après une première analyse des noms annoncés, cela ne ressemble pas à la formation inclusive et représentative de la riche diversité ethnique et religieuse de l’Afghanistan que nous espérions voir et que les talibans promettaient ces dernières semaines”, a réagi un porte-parole de l’Union européenne le 8 septembre, après la diffusion par les talibans de la composition de leur gouvernement intérimaire.

En présentant cette équipe, “intégralement composée d’hommes barbus”, les talibans “foulent aux pieds l’une des cinq conditions qu’avaient fixé les ministres européens des Affaires étrangères pour que des relations soient établies”, observe De Standaard. Mais l’UE ne compte pas pour autant renoncer à discuter avec les nouveaux maîtres de Kaboul – même s’il lui faudra pour cela “se pincer le nez”. Car elle a deux autres priorités à l’esprit, explique le journal belge. “La première est l’évacuation de ses ressortissants et des Afghans dont la vie est menacée. La seconde, est d’obtenir l’assurance de la part des talibans que l’aide humanitaire sera acheminée et distribuée sans entrave.”

C’est la raison pour laquelle il est question de rouvrir à Kaboul une représentation qui accueillera le Service européen pour l’action extérieure, dès que la situation sécuritaire le permettra. “Pour éviter que cela passe pour une reconnaissance officielle du régime, l’UE n’y enverrait pas d’ambassadeurs mais des diplomates d’un niveau inférieur. Difficile de nier que la différence avec une véritable reconnaissance est mince.”

Source

Voir aussi  (COVID-19) La partie continentale de la Chine signale 26 nouveaux cas transmis localement — Chine Informations

Lancé en 1918, le journal de référence de l’establishment flamand a pris progressivement ses distances vis-à-vis du monde catholique ainsi que du mouvement flamand – et, plus particulièrement, du Parti social-chrétien flamand, au pouvoir en

[…]

Lire la suite





Source link

Laisser une réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *