Le “cognac” arménien prié de changer de nom



Le “cognac” que l’Arménie produit depuis cent trente ans devra changer d’appellation. L’accord de partenariat avec l’Union européenne, entré en vigueur le 1er mars, l’y oblige. Un groupe d’experts arméniens est face à un défi peu banal : faire connaître, promouvoir et repositionner sur le marché l’eau-de-vie arménienne sous un nouveau nom.

L’accord de partenariat global et renforcé entre l’Union européenne et l’Arménie, signé en 2017, est entré en vigueur le 1er mars 2021. Il réglementera le dialogue dans tous les domaines entre les signataires.

Mais l’accord pourrait nuire à un produit phare arménien, considéré, dans l’Empire russe puis en Union soviétique comme “une ‘carte de visite’ de l’Arménie et un cadeau que l’on se devait de rapporter d’un voyage dans ce pays : le cognac arménien”, écrit le journal russe Argoumenty i Fakty.

Exporter vers les pays de l’ancienne Union soviétique

Aux termes de l’accord avec l’UE et à la demande insistante de la France, Erevan doit progressivement abandonner le nom “cognac”, appellation d’origine contrôlée (AOC). L’Arménie pourra exporter cette boisson sous cette dénomination jusqu’en 2032, mais uniquement sur le territoire postsoviétique.

Puis l’Arménie bénéficiera d’une période transitoire de dix ans, jusqu’en 2043, pour vendre les éventuels stocks restants. Si Erevan ne respecte pas cette condition, il devra en répondre devant l’arbitrage commercial international.

Un groupe de spécialistes arméniens a été constitué pour, d’ici à 2026, “trouver un nouveau nom à la boisson et penser le repositionnement de la marque, processus long et coûteux” mais indispensable pour “préserver les parts de marché”, explique le site News Armenia.

“L’Arménie peut et doit avoir son produit unique et qui lui sera propre, et le gouvernement arménien n’a qu’à trouver comment utiliser efficacement l’expertise et l’expérience accumulées pendant des siècles”, conseille le spécialiste russe du marché des spiritueux Sergueï Lichtchiouk, cité par le site Sputnik Armenia.

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Des variétés de raisin venues de la vallée d’Ararat

La production de cognac en Arménie a débuté en 1887 grâce à l’énergie de Nersès Taïrian, riche homme d’affaires. L’eau-de-vie de vin était distillée “selon la technologie classique française” et en utilisant des alambics et des tonneaux importés de France, comme le rappelle le site arménien Armedia.

Pour faire du cognac arménien, on utilise des variétés endémiques de raisin de la vallée d’Ararat, que l’on trouve notamment dans les villages de Voskéat, Garandmak, Tchilar, Mskhali, Kangoun, Banants, Kakhet, Mekhali.

Après la révolution russe de 1917, la production a été nationalisée. La distillerie d’Erevan Ararat, du nom de la montagne sacrée des Arméniens et de la chrétienté, située en Anatolie (dans l’actuelle Turquie), s’est installée à Erevan. Ses caves abritent aujourd’hui des dizaines de millions de litres d’eau-de-vie, dont une partie vieillit là depuis le XIXe siècle.

La première demande européenne pour changer le nom du cognac arménien date de 1959, explique le site. À l’exportation, la boisson est commercialisée sous les noms de Naïri, brandy Ararat et Dvin brandy Ararat.

La distillerie d’Erevan reprise par Pernod

Non seulement la production de la distillerie d’Erevan était “savoureuse et de qualité”, mais aussi “abordable”, se souvient le journal arménien Novoïé Vremia.

À l’époque soviétique, “le cognac arménien avait pour lui le marché étranger”, écrit le site russe Life.ru. En 1975, l’Union soviétique a exporté 359 850 litres de cette boisson. En 1998, la distillerie a été reprise par le groupe français Pernod Ricard, “un des rares cas, dans l’histoire de l’Arménie indépendante, où une privatisation a été bénéfique et à l’entreprise et au pays”, remarque Argoumenty i Fakty.

La marque a beaucoup investi pour “moderniser la production”, mais “sans s’immiscer dans la technologie traditionnelle créée au fil des décennies par les maîtres arméniens du coupage”, dont le célèbre Markar Sedrakian.

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Pour n’offenser personne, Pernod Ricard exporte le “cognac”, écrit en cyrillique, vers les pays ex-soviétiques, et le “brandy” vers l’Europe. “Il n’existait aucune possibilité de faire autrement”, avoue Novoïé Vremia. Et il cite un amateur de cognac arménien dépité, qui proposait alors ironiquement de “renommer un village arménien ‘Cognac’ et saluer donc chaleureusement les Français depuis ce Cognac arménien”.

Quel que soit son nom, le cognac arménien, véritable patrimoine historique, s’exporte bien (10 millions de litres par an en moyenne) et continue de remporter des prix lors de prestigieuses foires internationales, comme cette médaille d’or obtenue par Ararat Naïri (assemblage crée en 1967 et titulaire de 30 médailles internationales) le 17 mars dernier au IVe London Spirits Competition, “face aux concurrents français, américains, espagnols, irlandais”, s’enorgueillit le site arménien Verelq.

Alda Engoian





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