Face à la répression chinoise au Xinjiang, l’étrange passivité japonaise



Alors que les responsables américains n’hésitent plus à employer le terme de “génocide” pour qualifier les violations des droits humains infligées par la Chine au peuple ouïgour, Tokyo n’ose pas taper du poing sur la table, de peur que d’éventuelles représailles chinoises n’affectent son économie.

Début février, la BBC a rapporté des témoignages sur les violences sexuelles commises dans les camps d’internement du Xinjiang, ce qui a encore fait monter d’un cran les tensions entre Pékin et les pays occidentaux. Ces derniers temps, les publications de rapports se succèdent sur la répression – travail forcé, stérilisation forcée, politique d’assimilation des enfants – que subissent les Ouïgours, la minorité ethnique musulmane de la région. Avant la fin du mandat de Donald Trump, Mike Pompeo, secrétaire d’État américain, avait outré les autorités chinoises le 19 janvier en qualifiant la situation de “génocide”. Son successeur, Anthony Blinken, a enfoncé le clou en affirmant que son opinion, selon laquelle les Ouïgours sont victimes d’un génocide, n’avait “pas changé”.

Pourtant, le Japon, bien qu’il soit un allié fidèle des Américains, qui ne cesse de mettre en garde contre les dangers de l’expansionnisme chinois en mer de Chine méridionale, a une position nuancée sur la question du Xinjiang, selon un article du journal Mainichi. Interrogé lors d’une conférence de presse sur la qualification de “génocide”, le ministre des Affaires étrangères japonais, Toshimitsu Motegi, a préféré noyer le poisson en se contentant de déclarer que le mot traduisait “une profonde crainte de Washington”. “Le Japon est aussi très inquiet” à propos de la situation au Xinjiang, a-t-il quand même ajouté.

Voir aussi  Un fugitif de la "notice rouge" extrad du Maroc vers la Chine — Chine Informations

Même l’ancien Premier ministre Shinzo Abe, réputé pour ses idées proches de l’extrême droite, s’en est tenu à demander “plus de transparence” à Xi Jinping lors de sa visite en Chine, en décembre 2019.

Priorité à l’économie

Le Japon a bien signé la déclaration commune adoptée lors de l’Assemblée générale des Nations unies en octobre, appelant la Chine à respecter les droits humains au Xinjiang. Mais “les voix exigeant du Japon des réactions plus marquées sont nombreuses”, relève le journal.

C’est aussi ce que réclame Kerimu Uda, président de l’Association des Ouïgours du Japon, qui, lors d’une réunion d’un groupe de travail sur la question composé de députés japonais, a de son côté lancé :

La répression organisée qui s’abat sur le Xinjiang, dont font état des rapports de médias et d’instituts de recherche, correspond à la définition du mot génocide. Il faut que Tokyo déclare à haute voix que ce massacre ethnique est inadmissible si l’on veut mettre un terme à ce cauchemar.”

Pour se justifier de ces tergiversations, un cadre du ministère a estimé auprès du Mainichi Shimbun que Tokyo ne disposait pas d’éléments suffisants pour juger si la situation correspond ou non à la qualification de génocide, et que le maintien des relations avec la Chine restait primordial, ne serait-ce que pour faire cesser la répression.

Cette étonnante magnanimité des autorités japonaises laisse transparaître la crainte que le mot “génocide” ne provoque des réactions sévères de la part de Pékin. “Dans le pire des cas, cela conduirait à l’arrêt des échanges commerciaux avec les Chinois”, a reconnu auprès du journal un poids lourd du Parti libéral-démocrate (PLD), au pouvoir.

Voir aussi  Pékin a enlevé aux Hongkongais les mots de la révolte

Et selon un responsable du gouvernement chargé des relations avec la Chine, toujours cité par le quotidien :

Ce sont les Japonais et les entreprises du pays qui en feraient les frais. Vu l’ampleur des liens économiques entre les deux pays, nous ne pouvons pas tenir tête à Pékin comme Washington.”

La mollesse japonaise à double tranchant

Cependant, dénonce le Mainichi Shimbun, “en adoptant cette position, Tokyo risque d’être accusé de mollesse. Comment tenter d’améliorer la situation au Xinjiang sans faire fi des rapports entre la Chine ? Le gouvernement japonais marche sur une ligne de crête.” D’autant que cette position pourrait finalement se révéler contre-productive pour les entreprises japonaises.

Akira Igata, professeur à l’université Tama, évoque ainsi le fait que les sociétés important des produits fabriqués grâce au travail forcé courent le risque d’être rejetées par les consommateurs et les investisseurs, de plus en plus sensibles à la question des droits humains :

Nous ne vivons plus au temps où il était possible de faire des bénéfices en fermant les yeux sur les violations des droits humains. Les entreprises devraient comprendre que, pour rester compétitives, il faut parfois prendre des mesures sévères contre la répression politique.”

Source

Fondé en 1872 sous le nom de Tokyo Nichi Nichi Shimbun, le Mainichi Shimbun est le plus ancien quotidien japonais. Il a pris la dénomination actuelle en 1943 lors d’une fusion avec l’Osaka Mainichi Shimbun. Centriste, le “

[…]

Lire la suite





Source link

Voir aussi  (COVID-19) Le dernier bilan des cas confirms dans le monde en date du 9 mai 15H00 GMT — Chine Informations

Laisser une réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *