Depuis trois ans que j’écris sur le Xinjiang, je n’arrête pas de m’interroger sur la nécessité d’informer sur le sort des Ouïgours. Pourquoi prendre tant de risques ? Cela en vaut-il la peine ?
Disons d’emblée qu’il m’apparaît vraiment indispensable de relater ce qui se passe dans la communauté ouïgoure, quelles que soient les difficultés rencontrées. Les “centres de formation” où sont enfermés Ouïgours et personnes d’autres minorités ont été inspirés par la volonté des autorités, dirigées par des Hans, de porter des coups fatals aux Ouïgours et à leur culture.
Près d’un million de gens ordinaires (employés, étudiants, commerçants, fonctionnaires ou agriculteurs), qui n’ont jamais songé le moins du monde à fomenter des plans pour obtenir l’indépendance, ni à s’opposer au gouvernement, sont traités comme des malfrats, privés de toute liberté et envoyés se faire “réformer par l’éducation” dans des “centres de formation” où ils sont maltraités et subissent des viols.
Qui a raison et qui a tort dans cette affaire ? La réponse est évidente. Selon mon échelle de valeurs, en tant qu’être humain, en tant que personne ayant grandi sur le sol chinois et appartenant à l’ethnie han, qui profite au maximum des ressources du territoire, il m’est impossible de rester les bras croisés devant une telle situation.
Frayeur rétroactive
Lorsque j’ai appris la détention massive d’Ouïgours au Xinjiang en 2017, j’avais 22 ans. J’étais étudiante en sciences politiques et médias à l’université de Melbourne, en Australie, et, en dehors de mes cours, je travaillais comme pigiste pour plusieurs médias, dont le New York Times. À l’époque, je rédigeais toujours mes articles et mes tweets en anglais, car des amis journalistes m’avaient dit que les autorités n’attacheraient pas trop d’importance à ce que j’écrivais dans cette langue. Mais certains de mes articles ont été traduits par la suite en chinois, et à les relire ainsi, j’ai ressenti une certaine frayeur, rétroactivement.
Au début de 2018, mon diplôme en poche, j’ai été recrutée par la radiotélévision australienne ABC. Mais, à
[…]
Vicky Xu