Silent Hill f – Test de Silent Hill f : beat’em up edition


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La genèse d’une angoisse

Née de l’imagination de Keiichiro Toyama, à qui l’on doit aussi la série des Siren ou encore Gravity Rush, Silent Hill est une licence de survival horror ayant fait ses débuts sur PlayStation en 1999. À une époque où le genre était dominé par la licence Resident Evil de Capcom, Silent Hill avait le mérite de proposer quelque chose de nouveau notamment grâce à un scénario plus abouti, une partie action bien plus restreinte et surtout une ambiance bien plus angoissante, malsaine voire cauchemardesque alors que la licence de Capcom jouait davantage avec la peur instantanée et le sentiment d’isolement. De plus, les développeurs ont su jouer avec les limitations techniques de la PlayStation pour offrir ce qui allait devenir la signature visuelle de tous les opus suivants : le brouillard, personnage le plus terrifiant de la licence.

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Ces différences ont permis à ce premier essai de marquer les esprits et de lancer la machine pour des suites. Et c’est donc avec Silent Hill 2, sorti en 2001, que la licence obtient ses lettres de noblesses. Plus ambitieux sur tous les points, ce dernier devint un jeu culte auprès de toute une génération grâce à son univers, ses personnages et surtout un scénario de thriller psychologique horrifique, que l’on doit à Hiroyuki Owaku, plus maitrisé que jamais et n’ayant pas à rougir de ses pairs issus du cinéma ou de la littérature. Comme vous pouvez l’imaginer, un Silent Hill 3 suivit en 2003 et malgré ses grandes qualités, il ne fut pas suffisamment novateur et original pour atteindre la notoriété du grand frère.

Si Silent Hill The Room n’est pas totalement à jeter, notamment grâce à quelques mécaniques originales, il marque malheureusement le début de la pente descendante pour cette licence qui sombra petit à petit dans la médiocrité. Souhaitant capitaliser sur son succès, Konami enchaina les développements au point d’inonder le marché de jeux toujours plus mauvais, atteignant le stade où le public moquait chaque nouvelle sortie. Cette traversée du désert dura dix longues années jusqu’à ce qu’une étrange démo arrive sur PlayStation 4.

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Lancée en août 2014, P.T. chamboula en effet tout. Pourquoi ? Parce que cette courte démo assez bien fichue se terminait sur le teaser d’un nouveau Silent Hill dirigé par Hideo Kojima (Snatcher, Metal Gear, Death Stranding), avec la participation de Guillermo Del Toro (Le Labyrinthe de Pan, La Forme de l’Eau, Hellboy) au scénario et de l’acteur Norman Reedus (The Walking Dead, Death Stranding) dans le rôle du personnage principal. Bref, que du beau monde et une véritable compréhension du pouvoir angoissant de la licence. Une hype rarement vue, des attentes qui crevèrent le plafond et puis pouf, pétard mouillé. Kojima viré, projet annulé, fin du rêve éveillé.

Silent Hill sombra de nouveau dans l’oubli. Du moins, jusqu’en 2021 et quelques rumeurs selon lesquelles Konami chercherait à relancer la licence en laissant les développements à des studios tiers. Mais il faudra attendre l’année suivante pour l’officialisation de deux projets : le remake de Silent Hill 2 par le studio Bloober Team (The Medium, Layers of Fear) et Silent Hill f développé, lui, par le studio Neobards Entertainment, qui n’avait jusque-là jamais fait autre chose que des prestations pour d’autres studios et éditeurs sur divers projets (Final Fantasy VII Rebirth, Resident Evill VII, les remakes de Resident Evil 2 et 3, etc.). Pas de quoi rassurer me direz-vous et vous n’auriez pas tort.

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Toutefois, Silent Hill f attisa très vite la curiosité et même parfois l’indignation des fans par certains des choix opérés par le studio et par Konami. Le plus marquant d’entre eux étant bien sûr l’abandon de la ville des États-Unis au profit d’un village japonais isolé des années 60. Un parti-pris risqué, mais ayant au moins le mérite de bousculer les habitudes. De plus, les qualités ainsi que le succès du remake de Silent Hill 2 ouvrirent la voie pour un certain regain d’intérêt envers la licence et c’est dans cette drôle d’ambiance entre curiosité et méfiance que débarqua enfin Silent Hill f, premier Silent Hill original depuis 2012 – si on ne compte pas The Short Message qui s’apparente plus à une démo.

Le Renard et la lycéenne

Tout débute dans les années 60 à Ebisugaoka, petit village isolé des montagnes japonaises, avec la jeune Hinako Shimizu se disputant avec son père alcoolique et sa mère docile et soumise. Fuyant ce foyer dans lequel elle étouffe, elle part rejoindre son partenaire de toujours, Shu, jeune garçon de son âge. Mais alors qu’ils sont rejoints par leurs deux amies Rinko et Sakuko, un étrange brouillard contaminant tout sur son passage envahit le village et sépare Hinako du reste du groupe. Terrifiée, elle fuit à travers les ruelles étroites pour se retrouver seule au milieu de nulle part. Enfin, seule, pas vraiment, puisque des créatures immondes et agressives apparaissent. Pour retrouver ses amis, Hinako doit survivre et se frayer un chemin à travers ce village sans âme où le danger rôde.

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Si le début du jeu peut sembler assez bateau, il s’avère que le scénario de Silent Hill f est une de ses grandes réussites et ce n’est pas un hasard, car derrière se trouve l’ombre d’un grand talent : Ryukishi07. Vous ne connaissez pas ? C’est normal, mais vous avez peut-être déjà entendu parler de certaines de ses œuvres, puisqu’il est l’auteur de la série des When They Cry, des visual novels – ou plutôt sound novels – horrifiques aux allures de thrillers psychologiques. Doté d’une imagination débordante quand il s’agit de créer des univers sombres, angoissants et violents, il aborde dans Silent Hill f des sujets assez chers à ses yeux, comme la place de la femme dans la société, le désir d’émancipation, la jalousie, le poids des traditions ou encore la religion. Et quoi de mieux qu’un village baigné de légendes perdu dans les montagnes japonaises des années 60 pour en parler ? À une époque encore très traditionnaliste post Seconde Guerre mondiale, chaque village possédait ses divinités et superstitions et si c’est encore le cas aujourd’hui, c’est davantage pour faire vivre le folklore local, et le tourisme qui va avec, que par pure tradition pour ne pas dire conviction. C’est cette période, parfois teintée d’obscurantisme religieux exacerbé par l’isolement, que Ryukishi07 a su retranscrire avec beaucoup de justesse.

Quant aux personnages, on peut au moins dire que son héroïne est largement à la hauteur d’un James (Silent Hill 2) ou d’une Heather (Silent Hill 3) : une protagoniste attachante aux facettes multiples, aux secrets enfouis et qu’il est difficile de ne pas vouloir accompagner au bout de l’aventure, son aventure, malgré les dangers. C’est sans conteste la star du jeu, et le doublage japonais, que je conseille vivement, ne fait que renforcer cette qualité. Toutefois, si Hinako crève l’écran, ce n’est pas le cas de tous les personnages. Shun, Rinko et Sakuko n’ont pas vraiment cette chance et sans être ratés, bien au contraire, ils manquent surtout de profondeur dans leurs arcs narratifs respectifs, qui sont trop rapidement expédiés. C’est vraiment dommage, car on aurait aimé les découvrir plus longuement, le travail d’écriture étant manifestement là. C’est d’autant plus dommage que les personnages secondaires ne sont pas légion, comme toujours dans les Silent Hill.

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Et qu’en est-il des fins ? Comme tout Silent Hill qui se respecte, cet épisode f ne déroge pas à la règle des fins alternatives. Il propose, tout d’abord, une fin unique pour la première partie, puis quatre autres rendues accessibles en « nouvelle partie +», dont une humoristique. Chacune propose d’étoffer le scénario en comblant certaines zones d’ombre, ce qui les rend très intéressantes à débloquer. Cependant, cela implique de recommencer le jeu plusieurs fois, mais avec le plaisir, certes éphémère, de pouvoir accéder à de nouveaux documents à lire afin de nourrir votre curiosité, d’affronter de nouveaux boss, de résoudre de nouveaux puzzles, ou encore de voir de nouvelles cinématiques, et le tout en conservant une grande partie de ce que vous avez accumulé sur votre partie précédente afin de faciliter le voyage. De plus, le jeu est assez court avec à peine dix heures par run, ce qui reste raisonnable et très proche de la durée de vie du remake de Silent Hill 2.

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Globalement, le scénario et les personnages restent de très bonne facture et c’est un vrai plaisir d’enfin découvrir un Silent Hill original qui ne soit pas une redite ou médiocre. Bien entendu, on peut regretter le déplacement du récit vers le Japon au lieu des États-Unis, mais l’atmosphère est parfaitement respectée et le village d’Ebisugaoka n’a rien à envier à Silent Hill tout en apportant cet environnement rural proche de la nature. Un côté organique qui est d’ailleurs un des changements par rapport aux précédents opus. Si les premiers jeux utilisaient l’environnement urbain pour intégrer la rouille et autres dégradations des matériaux pour illustrer la face terrifiante de la ville, ici on est plus sur de la moisissure, de la pourriture, mais aussi du floral très poétique voire éthéré. Des éléments très organiques, plus proches de la symbolique de la mort, qui n’avaient pas vraiment été utilisés jusque-là, du moins pas à ce niveau. Ce n’est pas un changement majeur, mais ce sont ces petites différences qui donnent à Silent Hill f une identité propre. De plus, si on avait l’habitude d’une version cauchemardesque de la ville pour illustrer le monde parallèle, ici c’est bien le village qui se dégrade au fur et à mesure et au lieu du bruit terrifiant des sirènes pour sonner la transition entre les deux mondes, Silent Hill f fait le choix d’utiliser Hinako comme élément transitoire pour la transporter dans un monde totalement différent, sous forme de temple gigantesque, nommé Sanctuaire des Ténèbres, à traverser petit à petit tout au long du jeu. C’est d’ailleurs dans cette zone que l’on rencontre le mystérieux homme au masque de renard. Ici encore, on peut regretter le choix d’un monde parallèle totalement différent, mais ça a au moins le mérite d’être original.

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Maintenant, il reste un point à traiter : la peur. Silent Hill f ne fait pas peur et c’est probablement son plus gros défaut avec un point de gameplay qui sera abordé plus loin. L’ambiance est excellente, c’est malsain à souhait et parfois très gore, mais ça ne fait pas peur. En dehors de rares fulgurances, il faut se contenter au mieux de quelques jumpscare et pour donner un avis très personnel, à aucun moment je n’ai ressenti le besoin d’arrêter parce que je n’en pouvais plus alors que je ne suis pas la personne la plus courageuse qui soit face à ce type de medium. Un Silent Hill est censé mettre mal à l’aise à un point qui peut devenir difficilement soutenable selon les sensibilités. Dans le cas présent, si certains événements sont effectivement d’une violence inouïe, cela n’en reste pas moins très sporadique et le reste du jeu, même si très réussi dans son atmosphère générale, n’atteint jamais ce niveau d’horreur psychologique si chère à la série. Il manque peu de chose et on sent que la volonté de bien faire est là, mais le jeu se rate à la dernière marche. Pas au point de tomber, mais c’est suffisant pour lui refuser sa place au panthéon des meilleurs épisodes.

Streets of Rage

Revenons toutefois en ville afin d’expliquer comment se joue Silent Hill f. Comme vous pouvez vous en douter, on est face à un classique jeu à la troisième personne dans lequel nous dirigeons Hinako à travers les différents environnements du jeu. La jeune fille peut marcher, courir, esquiver et bien entendu utiliser différents objets pour se battre et se soigner. Jusque-là, tout va bien, mais pas de précipitation, car à partir de maintenant, on va commencer à grincer des dents en parlant de l’autre gros défaut du jeu.

Dans les premiers Silent Hill, les combats étaient vraiment mineurs dans l’aventure, justement pour se démarquer des Resident Evil et mettre en avant la fragilité des protagonistes. De plus, les ennemis étaient majoritairement assez lents et peu dangereux en dehors des espaces très restreints, ce qui renforçait l’effet de terreur lorsque l’on rencontrait Pyramid Head, par exemple, face auquel on se sentait totalement démuni. Pour Silent Hill f, les développeurs ont fait un choix assez différent et plutôt discutable. Au lieu de rendre Hinako relativement faible comme n’importe quelle adolescente de son âge, malgré ses aptitudes athlétiques, ils en ont fait une machine de guerre. Esquives parfaites, contres dévastateurs, coups forts, coups faibles, coups spéciaux, Hinako possède un panel d’options offensives et défensives qui se rapprochent davantage des Action-RPG que d’un Silent Hill. Pire, et cela me fait mal de le dire, mais c’est tout bêtement un système à la FromSoftware, encore un, mais sans l’expertise qui est censée l’accompagner.

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Vous avez une barre de vie, une barre d’endurance, une barre de mental et un indicateur de l’usure de l’arme. Pas besoin d’expliquer la barre de vie, mais pour ce qui est de la barre d’endurance, elle se consomme plus ou moins selon que vous utilisez le coup fort ou le coup faible, que vous esquivez ou courez en combat. Cela vous rappelle quelque chose ? Nous aussi. Quant à la barre de mental, elle permet à Hinako de se concentrer soit pour faciliter les contres, soit pour utiliser la capacité spéciale que possède chaque arme, parmi lesquelles on retrouve le tuyau en métal, le couteau de cuisine, la serpe, la masse, le pied de biche, ou encore la hache.

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Un système de combat bien trop en faveur de la lycéenne, qui pourrait sembler indestructible si l’usure des armes, qui se brisent assez rapidement, ne venait pas équilibrer un peu le rapport de force. Vous avez bien la possibilité de les réparer grâce à des trousses à outils, mais pas totalement et elles ne sont pas présentes en quantité suffisante pour faire n’importe quoi. Il faut donc accepter d’éviter certains combats pour économiser vos armes et c’est bien la seule raison qui vous oblige à faire attention, plus que la peur de ce qui peut vous tomber dessus, même si certains ennemis sont des athlètes olympiques en plus d’être parfois placés à des endroits traitres juste pour offrir petit jumpscare gratuit avec petite cinématique en bonus. Vous me direz qu’il existe plusieurs niveaux de difficulté, mais même en choisissant le niveau le plus élevé, la différence n’est pas si énorme que ça, puisque cela ne change rien à la possibilité d’esquiver et de contrer, même si cela prend plus de temps de venir à bout des ennemis. La seule différence majeure se situe au niveau de la santé mentale, que vous ne pouvez plus recharger autrement que grâce à des objets de soin.

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Même la caméra peut s’avérer plus stressante que les créatures peuplant le village ou le Sanctuaire. Dans les espaces exigus, on peut rapidement se retrouver avec une caméra aux fraises, que l’on ne peut placer correctement alors que l’on tente de vaporiser le ou les ennemis, qui du coup en profitent pour grignoter nos points de vie. C’est d’ailleurs surtout vrai dans le Sanctuaire, où ces espaces sont bien plus fréquents.

En parlant du village et du Sanctuaire des Ténèbres, les deux ne s’explorent pas tout à fait de la même manière. Si dans le village on se trouve face à une exploration très classique, comportant peu d’énigmes et avec ce petit côté old school du faux espace ouvert, où l’on ne fait que suivre un chemin tout en fouillant les quelques impasses à la recherche d’objets à récupérer ou de documents à lire en attendant la prochaine cinématique, chaque exploration du Sanctuaire intègre des énigmes plus ou moins complexes, mais rarement difficiles, et les armes y sont indestructibles. En contrepartie, les ennemis ne disparaissent pas quand vous les terrassez et ils reviennent à la vie au bout d’un certain temps, ce qui peut s’avérer un tantinet frustrant. Les énigmes, elles, sont assez diversifiées et suffisamment logiques pour ne pas vous bloquer trop longtemps. De plus, tout comme pour les combats, plusieurs niveaux de difficulté permettent d’ajuster les énigmes si vous les trouvez trop simples ou trop complexes.

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Durant votre exploration, et ce aussi bien dans le village que le Sanctuaire, vous allez rencontrer des hokora, qui sont de petits sanctuaires en bois disposés un peu partout afin de vous permettre de sauvegarder, mais pas seulement. Déjà, en mode histoire, qui est en fait le mode normal, votre santé mentale se recharge automatiquement dès que vous activez le sanctuaire. Ensuite, vous pouvez faire des offrandes d’objets dédiés, qui vous donnent un certain nombre de points de foi à dépenser pour piocher des omamori, ces petites amulettes typiques en papier ou en bois généralement protégées d’un tissu brodé servant à protéger où à porter bonheur. Ces omamori, vous pouvez ensuite les équiper pour obtenir des bonus divers et variés pour vos points de vie, votre endurance, votre santé mentale ou encore la qualité des soins, etc. Pour finir, vous pouvez aussi prier afin d’améliorer vos statistiques ainsi que le nombre d’omamori que vous pouvez équiper et ce grâce à votre foi et à un objet nommé ema, présent en nombre limité.

Silent Hill f propose donc des mécaniques bien rôdées et peut-être un peu vieillottes, mais qui fonctionnent très bien lorsque maitrisées. Le souci se situe vraiment au niveau des combats, bien trop fréquents et portés action, ce qui casse vraiment avec la tradition des Silent Hill. Ce n’est pas rédhibitoire dans le sens où l’on reste quand même très loin d’un Resident Evil, mais ce n’était peut-être pas le choix le plus adapté.

Pourquoi tu tousses ?

Silent Hill f a été développé sous Unreal Engine 5, le moteur graphique conçu par Epic. En conséquence, le jeu est vraiment joli et si toutes les textures ne sont pas parfaites, l’ensemble est très cohérent et agréable à regarder. Mention spéciale pour les personnages, très réalistes au point de frôler la vallée dérangeante, sans jamais l’atteindre, ouf. Les animations durant les dialogues sont particulièrement réussies et participent beaucoup à leur authenticité. La colère, la peur, la jalousie, la soumission, toutes ces émotions sont parfaitement retranscrites dans des visages superbement expressifs.

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Quant aux créatures peuplant le village et le Sanctuaire des Ténèbres, elles font honneur à la licence. Comme toujours, ce sont des représentations physiques des peurs, frustrations et angoisses de l’héroïne, ce qui donne lieu à quelques designs intéressants, comme la poupée désarticulée armée d’un couteau représentant probablement l’image de la femme au foyer, ou encore l’amas de corps qui crient représentant la pression sociale des adultes, etc. Tous ne sont pas aussi inspirés et certains boss ne sont que des copiés collés d’ennemis normaux, et inversement. Quelques inégalités, donc, mais c’est globalement assez convaincant avec même quelques boss réellement impressionnants.  

Sinon, que dire du village ? Si les personnages impressionnent, Ebisugaoka n’en est pas moins criant de réalisme. Certes, cela donne des environnements plutôt monochromes et tristes, mais c’est pour mieux coller à la réalité de l’époque et aux besoins du jeu de nous perdre dans ce labyrinthe de petites allées et de ruelles, desquelles le danger peut survenir à tout moment. De plus, d’autres environnements plus organiques sont présents, comme des champs de cultures ou encore le flan de la montagne, empreint de spiritualité avec les fameux tori – les portails traditionnels, souvent en bois, menant aux lieux sacrés comme les temples. Si on y ajoute le brouillard d’une densité palpable et des effets de lumière très soignés, on obtient un résultat délicieusement inquiétant et superbe à la fois. Une grande réussite.

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Les intérieurs, eux, sont plus en retrait, avec cette sensation de constante répétition, même si la période choisie peut tout à fait l’expliquer. Tous les intérieurs des maisons se ressemblent, tout comme les temples, heureusement en quantité suffisamment limités pour ne pas trop lasser. Quant au Sanctuaire des Ténèbres, il s’en sort plutôt bien malgré des environnements là encore très similaires. Les artistes ont toutefois su jouer avec ces répétitions visuelles pour nous perdre davantage et ainsi renforcer le sentiment d’isolement tout en faisant la part belle aux lieux sortant du lot, tantôt magnifiques, tantôt perturbants.

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Mais voilà, tout n’est pas parfait. Si visuellement Silent Hill f est franchement convaincant, il en va autrement des performances. Enfin, sur PC, puisque les versions consoles ont le mérite d’être techniquement quasi irréprochables. Encore un jeu sous Unreal Engine 5 qui ne tourne pas rond sur PC, quelle surprise ! Alors, si vous possédez une machine haut de gamme, vous ne devriez pas rencontrer de problème et pour être honnête, ce fut mon cas puisque j’ai la chance de posséder un tel PC. Toutefois, pour les machines plus modestes, c’est une toute autre histoire et c’est encore une fois un souci lié à la gestion des shaders. J’en ai déjà parlé sur d’autres tests, et plus exhaustivement encore dans le test technique de la version PC de Final Fantasy VII Rebirth, mais les shaders sont de petits programmes utilisés par votre carte graphique pour effectuer des actions afin de gérer tout ce qu’il se passe à l’écran, comme la gestion des environnements 3D, les mouvements, les couleurs et tout un tas de calculs indispensables pour le bon fonctionnement du jeu. Puisque ces petits programmes sont très nombreux et toujours mis à contribution, certains moteurs graphiques permettent de les mettre en cache pour y avoir accès très rapidement lorsque nécessaire. C’est ainsi que fonctionnent l’Unreal Engine 4 et l’Unreal Engine 5. Sauf que certains développeurs ne font pas les choses correctement et n’utilisent pas tous les outils à leur disposition pour gérer ces shaders de manière la plus invisible possible.

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Conséquences ? Le jeu cherche constamment les shaders nécessaires, ce qui entraine des chutes de performances soit sous forme de micro ralentissements, que l’on appelle aussi stuttering, soit sous forme de gros ralentissements durant lesquels le jeu se fige pendant parfois près d’une seconde à intervalles réguliers, ce qui, dans les deux cas, est fortement désagréable. Et là, plus votre machine est puissante, moins cela se ressent pour devenir quasiment voire totalement imperceptible, mais ça devrait être le cas pour tout le monde, d’autant plus que les versions consoles n’ont pas ce problème, malgré leurs limitations matérielles. Ce n’est pas normal et si vous voulez plus d’informations sur le sujet, je vous conseille vivement la vidéo de Digital Foundry (en anglais) concernant le jeu.

Donc si Silent Hill f est visuellement réussi, son optimisation sur PC laisse à désirer en espérant que des mises à jour corrigeront ces soucis.

Le son du frisson

Si généralement je place le son et le rendu visuel dans une seule et même partie dédiée aux aspects plus artistiques des jeux, il m’était difficile de ne pas faire une exception pour Silent Hill f tant le son est important pour cette licence.

Le résultat est malheureusement en demi-teinte et c’est d’autant plus frustrant que l’on retrouve aux commandes le légendaire Akira Yamaoka, qui a travaillé sur la totalité des Silent Hill ou presque, accompagné de Kensuke Inage. On était en droit d’espérer de celui qui a donné l’identité sonore des Silent Hill un travail tout aussi qualitatif et ce n’est que partiellement le cas. Si les musiques d’ambiance et les thèmes musicaux sont superbes, le sound design est plus inégal et moins impressionnant.

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Si vous êtes fan de la licence, et tout particulièrement des premiers opus, et que je vous demande de fermer les yeux en imaginant le son des pas de James, Heather ou même des infirmières ; un flash sonore va probablement vous revenir, tout comme le son de radio qui grésille. Tous ces bruits qui participaient énormément à l’angoisse ont contribué au succès de la licence, qui sortait vraiment du lot grâce à ce travail d’orfèvre sur le sound design. Dans le cas de Silent Hill f, on ne peut nier qu’une attention particulière a été apportée à l’ambiance sonore, mais il lui manque un petit quelque chose pour la rendre mémorable. Soit trop discrète ou trop banale, il n’y a pas grand-chose qui sort de l’ordinaire au point de marquer les esprits. On peut tout de même dire que le sound design fait le job, mais seules les musiques sont véritablement à la hauteur de la renommée de la licence et c’est bien dommage.

Conclusion

Malgré ses défauts, les qualités de Silent Hill f en font une bonne base pour relancer la licence en espérant que, cette fois-ci, Konami évitera de tirer sur la corde jusqu’au point de rupture. Tout n’est pas parfait, les personnages secondaires auraient mérité d’être un plus approfondis, la partie action aurait pu être plus subtile et prendre moins de place au profit d’un rapport plus fluide et intime à la peur et l’angoisse, le level design aurait pu être un peu moins vieillot, la version PC aurait largement profité d’une meilleure optimisation, le sound design aurait mérité plus d’attention, et on aurait aimé un prix plus doux que les 80€ demandés. Cela fait beaucoup, il faut en avoir conscience, toutefois cela ne doit pas non plus nous faire oublier les qualités du jeu.

Hinako est une grande héroïne que l’on prend plaisir à accompagner tout le long de l’aventure, le scénario et les sujets abordés sont très bien écrits, tout comme les personnages secondaires – malgré le manque de contenus à se mettre sous la dent les concernant -, les doublages japonais sont excellents, la bande originale est superbe, et le jeu a beau se dérouler au Japon, l’ambiance visuelle du village d’Ebisugaoka impressionne et transpire Silent Hill par tous ses pores.

Au bout du compte, si les défauts existent et ne doivent pas être écartés d’un revers de la main, de par son écriture, sa mise à scène, son héroïne, et son ambiance, Silent Hill f n’a pour autant pas totalement usurpé son nom. On ne peut qu’espérer que le prochain épisode corrigera les défauts pour offrir une expérience véritablement à la hauteur de la première trilogie.

Silent Hill f est disponible sur PlayStation 5, Xbox Series X|S et PC.

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Test réalisé par Lianai à partir d’une version Steam fournie par l’éditeur.



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