En Thaïlande, osons débattre ouvertement du crime de lèse-majesté


Des dizaines de personnes ont été condamnées à de lourdes peines de prison pour crime de lèse-majesté. Une nouvelle génération de Thaïlandais s’élève pour réclamer l’amendement de ce texte anachronique. Cet article est issu du dossier “Protester est un droit”, réalisé à l’occasion de la campagne “10 jours pour signer” d’Amnesty International.

Le débat sur la loi controversée de lèse-majesté risque de transformer les prochaines élections [prévues courant 2022] en un plébiscite, pour ou contre ce texte. À l’occasion de la nouvelle grande manifestation [le 7 novembre], les organisateurs ont réitéré leur appel à réformer la monarchie et lancé une campagne de signatures pour l’abolition de la loi, ou du moins un amendement. Une demande reprise le soir même par le responsable de la stratégie du parti d’opposition Pheu Thai, Chaikasem Nitisiri, qui a publié une déclaration indiquant que le parti était favorable à ce que cette proposition soit débattue au Parlement.

Étant donné que tous les partis sont en campagne depuis plus d’un mois, il fallait s’attendre à ce que d’autres partis, au pouvoir ou dans l’opposition, prennent également position. Évidemment, le parti au pouvoir, Palang Pracharat Party [soutenant le Premier ministre, Prayut Chan-ocha, à l’origine du coup d’État de 2014], et ses deux partenaires dans sa coalition – le Parti démocrate et le parti Bhumjai Thai – s’opposent ouvertement à toute tentative de modifier la loi de lèse-majesté.

Vers un débat au Parlement ?

Pour Rames Rattanachawaeng, le porte-parole du Parti démocrate, ce n’est pas la loi qui pose problème, mais le mode de pensée et les actions de certaines personnes. Il a lancé :

Cette loi de lèse-majesté n’est pas aussi problématique que veulent nous faire croire ceux qui réclament son amendement… Si cette loi est à l’ordre du jour au Parlement, nous nous battrons contre. Nous soutenons une application stricte de la loi.”

Tout espoir que cette proposition soit soumise à un débat au Parlement s’est évanoui lorsque le Premier ministre, le général Prayut Chan-ocha, a déclaré qu’en tant que Premier ministre et représentant du gouvernement il s’opposait à toute modification de la loi.

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“Tant que je serai Premier ministre et à la tête de ce gouvernement, il n’y aura pas de proposition de loi pour amender la loi de lèse-majesté. Ne détruisez pas ce que nous respectons”, a déclaré Prayut.

Pétition pour et contre

Face à la ferme opposition des partis de la coalition au pouvoir, et à l’approche des élections attendues pour le milieu de l’année prochaine, il est très peu probable que cette proposition se retrouve devant le Parlement actuel. Et même si elle y parvient, elle ne sera sans doute pas votée. C’est pourquoi, pour tous ceux qui se déchirent autour de cette loi, qu’ils soient pour ou contre, les prochaines élections ne porteront pas sur la meilleure manière de résoudre la crise économique, mais sur le bien-fondé de la loi de lèse-majesté.

Les partisans et les opposants de cette loi sont déjà en train de réunir des signatures pour se faire entendre. Suwit Thongprasert, l’ancien moine Phra Buddha Issara et ancien dirigeant du PDRC [Comité thaïlandais de la réforme démocratique] aujourd’hui disparu, qui a joué un grand rôle dans les événements qui ont mené au coup d’État de mai 2014, a présenté une pétition en ligne rassemblant 200 000 signatures au Parlement. Dans l’autre camp, plus de 100 000 signatures ont été rassemblées par des groupes réclamant l’abolition de cette loi anachronique [les contrevenants au texte risquent jusqu’à quinze ans de prison].

Sur l’échiquier politique, les partis restent prudents. Les espoirs de voir tous les partis d’opposition soutenir fermement une modification de la loi ont été rapidement anéantis lorsqu’ils se sont réunis et ont déclaré lors d’une conférence de presse qu’ils n’avaient pas de position commune sur la loi, mais qu’ils respecteraient la position de chacun sur la question.

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Arrêtons d’être dans le déni

Le parti d’opposition Move Forward réclame un amendement de la loi, tandis que le parti Pheu Thai a promis de faire en sorte que la proposition soit discutée au Parlement.

Pour le secrétaire général du parti Move Forward, Chaitawat Tulathon, l’amendement garantirait l’établissement de “bonnes relations” entre la monarchie et le peuple dans le cadre de l’État de droit.

Quant à l’ancien Premier ministre évincé et en fuite Thaksin Shinawatra, considéré par beaucoup comme tirant les ficelles du parti Pheu Thai, il a essayé de calmer le jeu. Thaksin a ainsi écrit sur Facebook :

La loi elle-même n’a jamais été un problème. Le problème aujourd’hui, cependant, c’est l’utilisation abusive de la loi… Les deux parties doivent cesser de jouer la comédie. Garder la tête froide et repartir de zéro… afin d’honorer la monarchie de la bonne manière.”

Notez que dans les déclarations publiques de Prayut, Thaksin et même Chaitawat, ceux qui ont perdu la foi en la monarchie ou qui sont devenus républicains ne sont jamais mentionnés. C’est comme s’il n’y avait en Thaïlande que des gens qui aimaient et respectaient la monarchie, même parmi ceux qui veulent que la loi soit réformée ou abolie. Ce déni est un autre obstacle que la Thaïlande doit surmonter. Nous devons essayer d’accepter la réalité telle qu’elle est sans prétendre que tous les Thaïlandais ou que tous les partis sont royalistes.

Le plus drôle, c’est que les seuls à reconnaître qu’il existe des antimonarchistes et des républicains sont pour la plupart des ultraroyalistes.

Modifier ou non la loi sur la lèse-majesté, ou même l’abolir, est un débat indispensable, et nous pouvons prendre un bon départ en essayant d’être plus honnêtes sur la position des différents groupes. Rester dans le déni n’apportera rien de bon à la Thaïlande.

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Pravit Rojanaphruk

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Panusaya Sithijirawattanakul, dite Rung, défendue par Amnesty International

QUI ESTELLE ?

Panusaya Sithijirawattanakul, dite Rung YOSTORN TRIYOS/AMNESTY INTERNATIONA
Panusaya Sithijirawattanakul, dite Rung YOSTORN TRIYOS/AMNESTY INTERNATIONA

Cette étudiante de 23 ans compte parmi les principales voix du mouvement des jeunes prodémocratie en Thaïlande. Elle a été arrêtée en mars dernier en vertu de la loi relative au crime de lèse-majesté, qui interdit toute critique de la monarchie. En prison, elle a entrepris une grève de la faim durant trente-huit jours. Elle risque l’emprisonnement à perpétuité au titre d’une dizaine de chefs d’accusation.

QUE DEMANDE AMNESTY ?

L’abandon immédiat de toutes les poursuites pénales contre Rung et les autres personnes inculpées uniquement pour avoir exercé pacifiquement leurs droits à la liberté d’expression et à la liberté de rassemblement pacifique.

Source

“Nouvelles fraîches”, né en avril 1991, a été créé pour toucher un public plus provincial que les autres titres du groupe Matichon. Bien que ses pages soient largement consacrées aux faits divers, aux loisirs et à une couverture locale, il traite

[…]

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