Le laphet thote, une salade de feuilles de thé marinées, est un plat particulièrement polyvalent qu’on trouve sur la plupart des tables de Birmanie. Ce peut être une délicieuse petite chose à grignoter, un repas roboratif quand il est associé avec un bon bol de riz blanc, ou un dessert qui nettoie le palais quand on le prend avec du thé chinois fraîchement infusé.
Le délice de la simplicité
C’est également le premier plat que j’ai appris à faire parce qu’il ne nécessite pratiquement aucune cuisson. Il suffit de mélanger les feuilles de thé – il y en a plusieurs sortes mais je prends en général les chin sat, aigres et épicées – avec un a-kyaw, un beignet à base d’ail frit, de gros haricots, de pois cassés jaunes, de cacahuètes grillées et de graines de sésame. Un filet d’huile, un peu de sauce de poisson et le déjeuner est prêt.
Le laphet thote a “une énorme importance politique, religieuse et culturelle en Birmanie”, déclare MiMi Aye, l’autrice du livre de cuisine Mandalay [publié en 2019 et inédit en français]. Les royaumes en guerre s’en servaient mutuellement en signe de paix, on en consommait pour signifier qu’on acceptait le jugement du tribunal à l’époque précoloniale… et on en sert aux invités lors des mariages (le mien inclus).”
C’est en ayant tout ceci en tête que je me suis tournée vers le laphet thote dans ma cuisine européenne quand j’ai eu désespérément besoin de faire une pause, d’arrêter d’écrire, de lire et de parler de ce qui se passe dans mon pays, que le coup d’État du 1er février et les semaines sanglantes qui ont suivi ont fait retourner plusieurs décennies en arrière.
Un plat désormais immangeable
Hélas, mes deux précieux sacs d’a-kyaw avaient tourné. J’avais espéré qu’ils tiendraient tout le long de la crise
[…]
Thin Lei Win