Chaque année, la GDC accueille les professionnels de l’industrie du jeu vidéo dans le cadre de conférences visant à analyser les grandes tendances du secteur. Si l’intelligence artificielle était au cœur des échanges de l’édition 2023 qui se tenait la semaine dernière, certaines conférences étaient aussi consacrées aux modèles « play-to-earn » – ces conférences étaient néanmoins bien que moins nombreuses que l’année dernière. Dans le lot, Wonil Suh, vice-président exécutif de WeMade, intervenait pour partager « les leçons apprises après le lancement de plus de 25 jeux Web3 », ces jeux reposant sur les technologies de la blockchain et intégrant des actifs numériques (incluant des NFT).
Evidemment, WeMade prêche pour sa paroisse et ne s’en cache pas : selon Wonil Suh, les activités de WeMade sont totalement focalisées sur la blockchain et le groupe est convaincu que ces technologies marqueront la « prochaine étape » de l’industrie vidéo ludique – pour Wonil Suh, le modèle des « jeux blockchain » s’imposera au même titre que le free-to-play ces dernières années. Cette « conviction » n’est néanmoins pas totalement innocente : WeMade exploite la plateforme WeMix Play qui propose notamment des solutions clef en main pour intégrer des services et mécaniques play-to-earn dans les jeux, puis pour les distribuer auprès des joueurs. À ce jour, la plateforme accueille 24 jeux (incluant par exemple le MMORPG play-to-earn Mir M: Vanguard and Vagabond) et selon Wonil Suh, l’exploitation de ces titres a été riche d’enseignements.
Concilier joueurs et spéculateurs
Quelles sont alors des fameuses « leçons » qu’il convient d’appliquer pour exploiter des jeux « play-to-earn » ? Essentiellement qu’il est déterminant d’appréhender à la fois la dimension ludique du jeu (pour les joueurs) et sa dimension monétaire (pour les spéculateurs).
Concrètement, Wonil Suh estime que l’un des principaux enjeux consiste à trouver le bon équilibre dans l’accès aux tokens du jeu (les actifs numériques qu’on peut obtenir via le jeu) : si les gains de tokens en jeu sont faciles, la valeur des actifs va baisser ; mais si les tokens sont difficiles à obtenir, les joueurs vont se décourager et se détourner du jeu. Suivre la valeur des tokens est donc primordial. Et parallèlement, il est tout aussi primordial que le jeu soit bon sur un plan ludique car le meilleur équilibre économique ne vaut rien si le jeu est mourant et que les serveurs sont vides. Selon Wonil Suh, réussir à faire cohabiter les joueurs et les spéculateurs est la clef pour créer « un écosystème de jeu solide et durable ».
On imagine néanmoins que c’est plus facile à dire qu’à faire dans la mesure où joueurs et spéculateurs peuvent avoir des motivations et intérêts très divergents – se divertir pour les uns sans considération financière, s’enrichir pour les autres parfois au détriment de l’expérience de jeu des autres.
De la théorie à la pratique
On comprend bien les principes théoriques défendus par WeMade, mais il convient d’admettre aussi que ces principes se heurtent parfois au mur des réalités. L’expérience de WeMade en est la démonstration. On se souvient qu’en fin d’année dernière, le token du groupe sud-coréen a été déréférencé des cinq principales plateformes d’actifs numériques en Corée du Sud (celles de la DAXA, la Digital Asset eXchange Alliance), suite à un défaut de transparence sur la gestion du token – WeMade aurait émis davantage de token qu’annoncé, au risque d’en fausser le cours.
Suite à la décision de la DAXA, la valeur du token WeMix a évidemment plongé (pendant cette période de déréférencement du WeMix, la capitalisation de l’actif numérique a plongé de 380 milliards de wons, soit de de l’ordre de 270 millions d’euros) et pour en faire remonter le cours, WeMade a dû investir l’équivalent de 10 millions de dollars pour racheter son propre token, détruire les tokens surnuméraires et ainsi restaurer un cours fiable. Aujourd’hui, le WeMix n’est plus disponible sur les marchés d’échanges de la DAXA (le token ne peut être échangé que sur la plateforme secondaire GDAC) et ne peut donc plus être converti directement en won, la monnaie sud-coréenne. Pour obtenir des devises, les titulaires de tokens WeMix (par exemple obtenus en jeu) doivent donc les échanger contre un autre actif numérique accepté sur les marchés d’échanges de la DAXA, transférer cet autre actif de la plateforme GDAC vers une plateforme de la DAXA afin de pouvoir les mettre en vente contre des wons, le tout à des taux de change volatiles et forcément très fluctuants à chaque étape. Autant dire qu’il faut être confiant et motivé pour investir actuellement dans l’économie des jeux Web3 de WeMix Games.