Ninja Gaiden 4 – Test de Ninja Gaiden 4 – Maître en son domaine
Après une dizaine d’années dans l’ombre, la série des Ninja Gaiden aura fait parler d’elle en 2025. D’abord par son remaster Ninja Gaiden 2 Black, puis avec le très sympathique spin-off en 2D, Ninja Gaiden: Ragebound développé par The Game Kitchen, et, en cette fin d’année, pour le jeu qui nous intéresse, le quatrième épisode canonique de la série : Ninja Gaiden 4. Orphelin du concepteur des deux premiers épisodes, Tomonobu Itagaki, décédé tragiquement le 16 octobre dernier, ce nouveau titre a été co-développé par Team Ninja et PlatinumGames, qui rendent un bel hommage à la saga tout en lui apportant une modernité nécessaire.
Tokyo pluvieuse
Les Ninja Gaiden n’ont jamais particulièrement brillé pour leur histoire, mais on va toutefois en toucher quelques mots. Ce quatrième épisode fait directement référence au premier épisode de la série et, par extension, son spin-off Dragon Sword sorti en 2008 sur DS. On découvre un Tokyo dans un futur proche, méconnaissable, où le mélange de fantasy et de technologie futuriste propre à la saga laissent place au chaos cyberpunk. Une ville où l’on évolue de toits en toits, qui rappelle presque Kowloon, avec des apparitions démoniaques qui se matérialisent le long des gratte-ciels et dans les recoins les plus sombres. Sous une nuit pluvieuse perpétuelle, le jeu nous dit d’entrée que c’est le bordel, et il faudra trouver une solution pour revoir la lumière du jour. Cette solution : trouver le Dragon Noir, qui serait à l’origine de tout, et qui était déjà l’entité derrière une arme utilisée dans le premier épisode en 2004 et le principal antagoniste du jeu DS. Pour cette quête, on n’incarne plus Ryu Hayabusa, héros éternel des Ninja Gaiden, mais Yakumo, membre du Raven Clan. Un clan hérétique chez les ninja, car ils seraient les descendants du Dragon Noir, de quoi générer quelques interrogations sur les intentions des uns et des autres, dans un jeu où l’adversité est perpétuelle, des nombreux affrontements à l’ambiance qui laisse assez peu de place à la respiration. C’est d’ailleurs le premier Ninja Gaiden qui prend une tournure aussi sombre, au sens propre comme au figuré, puisqu’on n’y voit jamais la lumière du jour au cours de l’aventure.
Le choix de nous mettre dans la peau d’un nouveau personnage peut irriter quelques fans de la série, mais ça apparaît vite comme la meilleure réussite de PlatinumGames. En effet, le changement de point de vue offre une approche plus libérée au titre avec un ninja, lui-même harcelé compte tenu de son appartenance au Raven Clan, qui déchaîne une violence assez jouissive sur tout ce qui se dresse sur son passage. De même, le titre profite des apparitions plutôt bien amenées de Ryu Hayabusa ici et là, dans laquelle on voit une dualité intéressante dans le caractère de Yakumo qui doit concilier ses objectif, et de la figure héroïque d’un Hayabusa dont les intentions ne sont pas toujours claires. Idem pour la plupart des personnages qui accompagnent Yakumo, comme la prêtresse Seori, affiliée au Dragon Noir et de qui elle tire ses pouvoirs, mais qui le rejoint vite dans sa quête contre cette entité démoniaque en faisant mystère de ce qu’elle veut vraiment. Derrière tous ces non-dits, on trouve une narration assez maîtrisée qui offre quelque chose d’intéressant à la licence, jamais vraiment brillante sur ce sujet, sans pour autant manquer de rendre hommage à la série. Évidemment, toutes ces réussites narratives ne sont pas toutes dues au changement de personnage principal, mais ça permet certainement au studio de se libérer de certaines contraintes et d’apporter une vision plus fraîche à la licence.
Yakumo, un ninja félin
Mais l’essentiel est évidemment du côté des affrontements. Exigeante, la série des Ninja Gaiden peut généralement offrir quelques maux de crâne tant les combats savent être brutaux, impardonnables, mais poussant toujours à apprendre des combos divers et variés pour tenter de s’en sortir. Ce qui caractérisait le style de combat de Ryu Hayabusa, c’était des coups puissants, entrecoupés de parades et d’esquives assez rigides, laissant peu de place à l’approximation et aux erreurs. Pour Yakumo, on trouve un gameplay plus proche de ce que PlatinumGames fait habituellement : des combos rapides, une esquive rapide, pour un personnage qui symbolise dextérité et agilité. Certainement plus proches d’un Bayonetta ou Metal Gear Solid Rising, les combats de Ninja Gaiden 4 risquent de ne pas être du goût de tous les fans, mais le résultat force l’admiration tant le studio japonais a su concocter un système efficace et capable de récompenser la prise de risque. Priorité à l’attaque, en effet, puisque c’est en tuant les ennemis que l’on régénère la vie (les objets de soins que l’on peut porter étant limités, et rares), mais aussi parce que de nombreux coups adverses ne peuvent être contrés qu’en tapant au bon moment. Soit avec des coups normaux, soit avec la forme « bloodraven » activable (selon une jauge qui se remplit à chaque coup) avec la gâchette gauche, et qui déchaîne des attaques démoniaques plus puissantes. Ce dynamisme oblige à bouger constamment, d’autant plus que les ennemis attaquent toujours à plusieurs, et reprend le système d’esquive des précédents Ninja Gaiden en maintenant la touche de parade et en bougeant le stick dans la direction souhaitée. Mais cette fois-ci, ce système est plus fluide, plus dynamique, dans l’esprit d’un Yakumo plus jeune et plus fou.
Pour exploiter cette agilité, le jeu propose quatre armes principales, acquises au fil de l’aventure, couplées à des attaques en forme « bloodraven » qui diffèrent selon l’arme choisie. Les combos, eux, sont nombreux, et peuvent être soit appris auprès d’un PNJ moyennant des NinjaCoin acquis en combat (ou en réalisant des missions secondaires), soit en développant les armes avec des points spécifiques qui s’obtiennent également en combat. Dans l’ensemble, toutes les armes sont plaisantes à jouer, même si on peut regretter que la dernière arrive un peu tard dans l’aventure. Mais il y a largement de quoi s’amuser et donner envie de parcourir les niveaux, linéaires mais avec quelques zones secrètes, afin d’accomplir des quêtes secondaires qui donnent souvent lieu à la découverte de combats de boss facultatifs. Les boss, d’ailleurs, dans la quête principale, sont une des forces du jeu avec des design plutôt réussis et surtout, des patterns qui se renouvellent et qui poussent toujours à se creuser la tête pour trouver la meilleure approche. Cela donne un jeu au moins aussi exigeant que ses prédécesseurs en mode normal, malgré le gameplay plus dynamique. Le mode facile, lui, permet même d’être quasi-invincible, si l’envie vous dit d’y aller juste pour découvrir son univers et son histoire.
Lettre d’amour à Ninja Gaiden
Ce qui force l’admiration, c’est la faculté de PlatinumGames à saisir l’essentiel de la série sans se désavouer sur son propre style. On y va pour jouer à un Ninja Gaiden, et on en a tout ce qui le compose : l’esquive atypique, le monde entre futuriste et fantasy, les gros démons à taper, les démembrements des ennemis et les exécutions violentes qui jettent plein d’hémoglobine à l’écran. Mais on y va aussi pour jouer à un PlatinumGames, et on retrouve leur science du combo, leurs combats dynamiques, le mélange des systèmes et la complexité qui rend le jeu immédiatement fun, mais difficile à maîtriser si l’on veut en exploiter toutes les subtilités et en voir le bout dans les difficultés les plus élevées. C’est, vraiment, le meilleur des deux mondes, et probablement l’un des meilleurs épisodes de la série, si ce n’est le meilleur. On peut éventuellement lui reprocher trop peu de diversité visuelle, avec de nombreux niveaux qui se ressemblent, à cause d’une direction artistique qui insiste encore et encore sur ces gratte-ciels tokyoïtes, théâtre d’une invasion démoniaque. Mais ce serait vraiment pour chipoter, car en réalité, même si les sorties de Tokyo sont assez rares sur la quinzaine d’heures de jeu, il y a suffisamment d’idées de mise en scène et de zones urbaines pour s’en contenter, en y ajoutant une poignée de niveaux en dehors de l’enfer urbain. Et un peu plus si on s’amuse à parcourir les purgatoires, des challenges bonus trouvables au sein des niveaux qui permettent d’affronter des vagues d’ennemis selon divers handicaps (difficulté, baisse de la vie maximale…) et qui constituent l’un des plus gros challenges du jeu. Idem, une fois terminé, le titre propose de reparcourir certains combats, plus difficiles, sous la forme d’une sorte de boss rush.
Et visuellement, ça fait le boulot. S’il n’y a rien d’éblouissant techniquement, le titre tire son épingle du jeu grâce à une direction artistique franchement réussie, malgré son manque de diversité, avec une ville de Tokyo inquiétante, un peu poisseuse sous une pluie perpétuelle, et l’impression d’être seul contre tous tant chaque élément que l’on voit vaguement bouger au loin est, inévitablement, un nouvel obstacle. Peu d’amis sur notre route, que des ennemis, à tel point que le manque de respiration entre certains combats plutôt tendus peut parfois manquer, même si quelques phases de plateformes sur rails (littéralement) peuvent jouer ce rôle. Mais c’est en même temps au centre d’une narration qui raconte une course contre la montre pour trouver le Dragon Noir, avec un ninja lâché seul derrière les lignes ennemis, qui doit constamment aller de l’avant pour espérer s’en sortir. Il y a quelque chose, forcément, de grisant dans ce jeu tant il pousse le curseur toujours plus loin, avec en fond une bande originale électro qui rythme l’aventure, et sans jamais perdre en lisibilité malgré l’intensité et le nombre d’ennemis. Le jeu se repose effectivement sur des marqueurs visuels colorés pour mieux comprendre l’action comme le rouge de la forme « bloodraven » et le bleu des esquives réussies, ou l’aura clignotante des ennemis lors d’attaques qui peuvent être contrées.
Conclusion
Pas toujours heureuse, la licence a connu ses hauts et ses bas. Mais Ninja Gaiden 4 signe un retour en grâce de la saga grâce au style PlatinumGames qui a su appréhender les caractéristiques propres à celle-ci, tout en apportant son style de gameplay très dynamique. Joli, grisant, et surtout jamais avare en récompenses quand on parvient à placer un combo spécifique pour démembrer un ennemi, Ninja Gaiden 4 est un ride fabuleux de la première à la dernière minute, où l’intensité des combats n’a d’égal que la mise en scène qui multiplie les effets de caméra pour faire savourer l’action. Toujours animée par l’envie d’en faire plus, plus grand, plus fort, la quête de Yakumo nous embarque dès les premiers instants et va crescendo en s’assurant que le joueur ne s’ennuie jamais. Quel plaisir, à peine terminé, on a déjà envie d’y retourner.
Test réalisé par Hachim0n sur PlayStation 5 à partir d’une version fournie par l’éditeur.






