La décision d’envoyer les forces de maintien de la paix de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC)* au Kazakhstan, afin d’y stabiliser la situation, ouvre une nouvelle ère dans le développement de l’espace postsoviétique. La barrière entre circonstances politiques extérieures et intérieures est tombée. La menace de la chute du système politique dans l’un des pays membres de l’Organisation, liée à des causes intérieures, a été ici interprétée sans la moindre hésitation ou concertation comme une agression due à des “groupuscules terroristes” venus de l’extérieur. Désormais, l’ennemi est toujours extérieur, même à l’intérieur.
Cela lève un obstacle qui bloquait l’OTSC, lui donnant formellement une raison d’être et l’invitant à passer à l’action. Cela ne s’était jamais produit, ni au Kirghizistan (où des événements similaires surviennent régulièrement) ni en Arménie il y a trois ans et demi [lors de l’accession au pouvoir du Premier ministre actuel, Nikol Pachinian, par un soulèvement populaire]. À l’époque, l’OTSC (comprenez Moscou), tout comme les États eux-mêmes, martelait toujours que ces événements relevaient de la politique intérieure et qu’il n’y avait pas lieu de faire intervenir des puissances extérieures.
La disparition de la frontière entre intérieur et extérieur est un processus généralisé. Curieusement, dans les décennies précédentes, c’était plutôt une approche libérale, axée sur le respect des droits de l’homme, qui servait de fil conducteur : la souveraineté n’était plus sacrée si les droits et libertés des citoyens étaient en jeu. Aujourd’hui, les raisons sont d’ordre sécuritaire et visent à conserver l’ordre établi : l’ingérence est tolérée si la sécurité du pays concerné et de ses voisins est en jeu.
Cette fois, Moscou a agi sans tarder
Précisons tout de même que la demande d’intervention des forces de maintien de la paix émane d’un gouvernement dont la légitimité n’est pas à mettre en doute. D’ailleurs, les manifestants ont réclamé publiquement non pas le départ du président actuel, mais celui de son prédécesseur [Noursoultan
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Fiodor Loukianov