Le laboratoire de Wuhan, symbole d’un échec de la coopération franco-chinoise



De sa construction à l’actuelle crise du coronavirus, ce laboratoire qui devait incarner la collaboration entre la Chine et la France a fait l’objet de critiques. La presse étrangère explique pourquoi il est porteur d’enseignements sur le plan géopolitique.

“‘Fier et heureux’, il y a trois ans, c’est avec ces mots que Bernard Cazeneuve, alors Premier ministre, inaugurait le tout nouveau laboratoire [de virologie] de Wuhan”, se souvient le quotidien autrichien Der Standard. Aujourd’hui, ce laboratoire est source d’enseignements aux plans géopolitique et commercial”.

Pour comprendre l’évolution, il faut remonter à la présidence de Jacques Chirac. C’est à ce moment-là, commente ABC, qu’“a commencé le transfert de technologie française dans le domaine médical et sanitaire, lié au coronavirus”. En 2003, “la Chine a subi une grande crise, celle déjà ‘lointaine’ causée par le syndrome respiratoire aigu sévère” [le SRAS]. Le chef d’État français de l’époque “s’est [alors] empressé d’apporter [à Pékin] une aide humanitaire et technologique. D’où l’idée de créer le laboratoire de virologie de Wuhan, sur trois piliers : coopération d’État, coopération technique et coopération scientifique”, poursuit le média espagnol.

L’immunologie, terrain de bataille

Sarkozy, Hollande et leurs gouvernements respectifs ont approfondi cette ‘grande amitié’, qui devait aboutir à l’ouverture du laboratoire P4 de l’institut de virologie de Wuhan.” (P4, signifiant “pathogène de classe 4”, c’est-à-dire les virus hautement dangereux pour lesquels aucun remède n’a été découvert.)

Un accord de coopération a été conclu en 2017”, explique Der Standard. “La Chine a payé 40 millions d’euros pour la construction du bâtiment, tandis que la France a fourni des technologies de sécurité très convoitées – pour rappel, il existe moins de 30 laboratoires P4 dans le monde.” D’ailleurs, précise The Irish Times, “les services de renseignement militaire et le ministère des Affaires étrangères étaient défavorables au projet de labo P4, estimant qu’il pourrait être utilisé à des fins de guerre biologique. (Rien ne prouve que cela se soit jamais produit.)

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Le projet a également fait l’objet de critiques aux États-Unis. “Lorsque l’Institut de virologie, situé dans la périphérie de Wuhan, a commencé à fonctionner en 2018, le Washington Post a fait état de prétendus manquements à la sécurité”, souligne Der Standard. Et aujourd’hui, en pleine crise du Covid-19, le président Trump évoque l’hypothèse que le virus se serait échappé de ce laboratoire. “Bien qu’elles restent à démontrer, ces accusations montrent que la guerre sino-américaine se joue également sur le terrain de l’immunologie. Et une fois encore, les Européens sont pris entre deux feux.”

L’échec d’une collaboration

Il faut dire que “pour Paris, Wuhan n’était pas seulement destiné à accueillir un laboratoire, c’était un instrument de sa politique commerciale. Plusieurs grandes entreprises comme Peugeot, Renault, Schneider et Pernod-Ricard sont en effet présentes dans cette ville de onze millions d’habitants”, évoque Der Standard.

Mais en ce qui concerne le laboratoire P4, l’espoir d’une réelle “coopération scientifique, médicale et sanitaire” a échoué, déplore ABC :

L’institut Pasteur et les laboratoires publics et privés ont fini par annoncer que le pouvoir politique chinois, sous le contrôle d’un Parti communiste tentaculaire, s’appropriait la technologie ‘importée’, sans communiquer et sans respecter les accords d‘‘information’ et de ‘coopération’”.

Pis encore, poursuit le site ibérique, on a fini par découvrir que les scientifiques chinois, soumis au contrôle bureaucratique le plus strict de la part du pouvoir communiste, travaillaient dans des domaines (virus et vaccins) qui éclipsaient totalement les collègues français leur ayant communiqué des connaissances, des techniques et des travaux de recherche sensibles.

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D’autre part, “la cinquantaine de virologues et bactériologues français censés travailler à Wuhan – selon les termes de l’accord – n’est jamais arrivée”, complète Der Standard, et “le coprésident français du laboratoire, Alain Mérieux, s’est retiré de Wuhan, affirmant que le laboratoire était devenu ‘très chinois’”.

Audrey Fisné





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