Son téléphone n’arrête pas de vibrer, messages et appels se bousculent. Eva B, qui était encore il y a peu une rappeuse inconnue du quartier pauvre de Lyari, à Karachi [la plus grande ville du Pakistan, sur la côte sud du pays], est devenue la sensation musicale du moment au Pakistan. Avec des millions de vues sur YouTube.
Non seulement elle est la première rappeuse au Pakistan, mais elle est aussi la première rappeuse à porter le voile et à appartenir à la minorité baloutche. C’est son frère qui lui a dit qu’elle devait porter un voile si elle voulait faire du rap [un niqab, en l’occurrence], mais désormais le voile fait partie de son identité et de sa personnalité d’artiste, dit-elle :
Je ne me sens pas à l’aise, je chante moins bien, si je ne le porte pas. Le voile cache mon visage mais pas mon talent, et il n’enlève rien à mon art.”
Un rap en ourdou et en baloutche
La jeune femme de 22 ans a percé après avoir répondu à un appel du producteur de musique de Coke Studio, une émission en ligne [créée et produite par Coca-Cola] qui, depuis 2008, met en scène les plus grandes stars de la musique du pays. “Comme j’avais beaucoup moins d’appels qu’aujourd’hui, j’ai décroché”, s’amuse Eva B. quand nous l’interrogeons. C’est la première interview qu’elle accorde depuis ce fameux appel.
“Il s’est présenté et m’a demandé si je voulais chanter pour l’émission. ‘Qui refuserait de travailler avec Coke Studio ?’ lui ai-je répondu.” Ensuite est sorti le titre Kana Yaari, dont la vidéo est devenue l’une des plus regardées sur YouTube au Pakistan [mise en ligne le 19 janvier, elle comptait à la fin de février près de 12 millions de vues].
Le nom de cette jeune artiste, qui rappe en ourdou et en baloutche, vient d’Ève, la première femme ; le “B” est pour “
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Shah Meer Baloch