En Indonésie, nos voisins les volcans



L’archipel est l’un des pays qui comptent le plus de volcans actifs.
Alors que le mont Sinabung, à Sumatra, est entré en éruption en août, le travail
du photographe Putu Sayoga nous montre comment les habitants vivent avec cette présence menaçante.

COURRIER INTERNATIONAL : Qu’est-ce qui vous a poussé à traiter un sujet si impressionnant sous l’angle de la banalité du quotidien?

PUTU SAYOGA En 2017, sur l’île de Bali, j’ai couvert l’éruption de l’Agung depuis le village de Datah, à 12 kilomètres du volcan. En arrivant, j’étais terrifié, la montagne crachait des volutes de fumée et de cendres mais tout le monde semblait détendu, comme si de rien n’était. Les enfants se rendaient à l’école, leurs parents travaillaient aux champs. Cela a aiguisé ma curiosité. Je me suis rendu compte à quel point l’Indonésie était couverte de volcans et qu’ils ne se résumaient pas aux éruptions : il y a tellement de personnes qui vivent dans des zones volcaniques, j’ai voulu raconter leur quotidien. Mes photos sont verticales parce que j’ai, en tant que Balinais, un rapport vertical à la montagne et à sa spiritualité : les divinités habitent tout là-haut, au sommet.

Quelle place occupent les volcans dans la société indonésienne ?

Il y a une dimension matérielle et une dimension spirituelle. Concrètement, les éruptions favorisent la fertilité des sols, de nombreux riverains dépendent donc de l’agriculture. Mais lorsque des gens sont obligés de quitter leurs terres à cause d’une éruption, il y a ensuite des questions liées au droit de propriété. Plus récemment, le tourisme volcanique est aussi devenu une source de revenus.

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Spirituellement, ce sont les demeures des dieux et des esprits bienveillants. Dans la province de Java-Oriental, par exemple, le peuple tengger pratique un rituel annuel en sacrifiant des produits agricoles et des animaux dans le cratère du mont Bromo en l’honneur du dieu de la montagne. Un chamane, Senetram, m’a raconté l’origine légendaire de son peuple : Joko Seger et Roro Anteng, un couple désespérant d’avoir un enfant, ont un jour prié le dieu de la montagne de leur octroyer une descendance. Celui-ci a accepté de leur accorder 25 enfants à condition qu’ils sacrifient le plus jeune en le jetant dans le cratère du mont Bromo. Ne pouvant s’y résoudre, le couple a tenté de gagner du temps et de repousser le sacrifice. Le dieu est alors entré en colère, provoquant l’éruption du volcan, et celle-ci ne s’est arrêtée qu’après le sacrifice de l’enfant, nommé Kusuma.

Comment organisez-vous votre travail?

Il n’y a pas moins de 127 volcans actifs sur les îles indonésiennes, je ne peux pas les couvrir tous, donc je cherche les particularités locales. J’ai d’abord travaillé sur le mont Agung, à Bali. Puis, j’ai trouvé sept autres lieux dont l’histoire m’intéressait. Par exemple le mont Ijen, dont les habitants sont pour la plupart des mineurs de soufre qui travaillent avec des outils rudimentaires directement à l’intérieur du cratère. Ou bien le mont Merapi, dont les riverains essaient grâce au tourisme de se relever de la grosse éruption de 2010 [qui avait fait plus de 350 morts]. Ou encore le complexe de volcans du plateau de Dieng [dans le centre de Java], où se trouvent des centrales géothermiques.

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Le photographe

Né en 1986 sur l’île indonésienne de Bali, Putu Sayoga mène des études en sciences politiques à l’université Gadjah Mada de Yogyakarta (île de Java). Durant cette période, il apprend la photographie en autodidacte, appréciant particulièrement les scènes de rue. Devenu ensuite photographe professionnel, il signe des reportages et des documentaires photo publiés dans des médias tels que GEOForbes Asia ou ZEITMagazin. Il a cofondé un collectif de photographes, à Jakarta, baptisé Arka Project.





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