Le train-train de la vengeance
Atteint par une malédiction jetée par son père, Psaro est désormais absolument incapable de combattre par lui-même et de s’attaquer aux monstres. Ne pouvant pas les soumettre à sa volonté, il prend une autre décision : son armée, il la fondera avec sa seule force de conviction, afin de pousser les monstres qu’il croise à rejoindre sa quête. Et ce avec un seul objectif, celui de se venger de son père. Une vengeance qui l’emmène sur les routes de Nadiria et des cercles des enfers, où il fait la rencontre notamment de Rose, une elfe pourchassée par les humains. Mais si la quête est relativement scénarisée et plutôt linéaire dans son approche, emmenant nos héros régulièrement dans de nouvelles zones pour affronter le boss du coin jusqu’à se rapprocher du père de Psaro, l’essentiel du jeu est ailleurs. Ainsi, il repose sur des mécaniques en apparence similaires à Pokémon avec la chasse aux monstres toujours plus puissants et l’envie de recruter l’intégralité des 500 monstres promis, qui trouvent leur propre originalité dans un système permettant de fusionner ces monstres trouvés pendant l’aventure pour en créer de plus puissants. Et ce en assemblant à chaque fois deux monstres, bénéficiant de leurs propres statistiques et compétences déjà débloquées, tout en faisant attention aux lignées. Car le système fonctionne autour d’héritages, avec un arbre généalogique remontant aux grands parents, poussant à fusionner plusieurs couples de monstres afin de bénéficier des compétences de plusieurs générations dans les mains d’un seul monstre surpuissant. Et ce afin de créer les monstres selon nos propres envies, avec des compétences à valoriser selon les stratégies adoptées. Ce système prend le pas sur une quête principale qui, disons-le, manque grandement d’intérêt. Assez peu rythmée, trop académique dans sa forme (un nouveau monde = un nouveau boss, qui permet de débloquer le monde suivant et ainsi de suite) et avec une narration très limitée par des héros aux personnalités vite mises à l’écart, l’aventure a toutes les peines du monde à nous tenir accrochés. Pour être d’ailleurs parfaitement honnête, j’ai abandonné la quête en cours de route, les murs de difficulté apparaissant dans le dernier tiers du jeu, qui visent à expérimenter et à multiplier les combinaisons de monstres, ayant eu raison de mon intérêt pour le jeu après une quinzaine d’heures de jeu. Si l’on s’amuse quelques temps à combiner les monstres, il manque une autre carotte que le simple fait de remplir la bibliothèque de monstres et passer à l’étape suivante d’une histoire sans trop d’intérêt, la quête principale étant le plus souvent incapable de donner envie de voir la suite. Parce que l’écriture manque de peps, mais aussi à cause de sa répétitivité, avec une structure de progression qui se répète beaucoup.
Pourtant, le système de combinaison de monstres fonctionne assez bien, le fait de prendre en compte les points de compétence et les capacités jusqu’à trois générations de monstre permet de réaliser des combinaisons franchement originales, voire même, au bout d’un moment, de casser le jeu avec des monstres capables de tout faire. On voit d’ailleurs déjà fleurir au sein d’une communauté de joueurs très active des conseils en tout genre pour obtenir ce type de monstres capables de marcher sur la plupart des combats. Mais cela arrive assez tard, puisqu’il faut compter une bonne dizaine d’heures de jeu avant que le titre commence à réellement inciter à utiliser ce système, en imposant des boss à la difficulté soudaine. C’est d’autant plus flagrant que dans les deux premiers tiers du jeu, il suffit d’utiliser les monstres capturés en les convaincant de nous rejoindre pour passer la quasi-totalité des combats en mode automatique. L’autre point qui saccade la progression, c’est que pour avoir de bonnes chances de capturer un monstre (symbolisée par un pourcentage qui s’affiche lorsque l’on tente d’en récupérer un), il est nécessaire au préalable de “terminer” la zone en battant le boss du coin. Sans cela, les chances de capture ne dépassent pas 20%, ce qui n’empêche pas d’en capturer à force d’essayer certes, mais qui prend un certain temps. Alors souvent, le jeu pousse le joueur à repasser dans les zones déjà traversées pour capturer des monstres déjà affrontés de nombreuses fois, car ceux-ci sont plus prompts à se laisser convaincre de rejoindre Psaro, dont la réputation a été décuplée en battant le boss local. Et le jeu ne manque pas de monstres à capturer, puisque ceux-ci sont déclinés en différents types (comme les nombreux gluants) et un système de “saisons” qui tournent poussent à explorer à nouveau tous les lieux déjà fréquentés afin de voir ce que l’été, l’hiver ou encore le printemps ont pu amener comme nouveaux monstres dans chaque zone. Et c’est indispensable, car les combinaisons sont nombreuses, dans un système de fusion qui heureusement permet d’afficher les combinaisons les plus puissantes (classées par lettres, de G à X) selon les monstres à disposition.
Le système de combat quant à lui laisse le choix entre deux possibilités, soit de réaliser des attaques automatiques, soit de les gérer soi-même. Ensuite, c’est du tour par tour très classique pour la licence, en faisant combattre un maximum de quatre monstres et quatre réservistes qui peuvent les remplacer à tout moment. Ce maximum de huit monstres peut être réduit dès lors que l’on récupère des monstres dits “grands”, qui prennent deux emplacements, mais qui compensent par des attaques et une résistance plus importante, ainsi que la possibilité de frapper plus d’une fois par tour. Il faut donc trouver le bon équilibre, tandis que l’on n’est pas dépaysé sur les sorts à utiliser puisqu’on y retrouve les attaques habituelles de la licence Dragon Quest. Dans un premier temps, on recherche essentiellement des monstres capables de réaliser des attaques de zone (comme Crame ou Tornade), dévastatrices les premières heures, avant de s’intéresser plus en détail aux sorts passifs, comme Decuplo, qui permettent de renforcer nos monstres en plein combat. Assez mal équilibré, les combats passent du tout au tout au fil de l’aventure : trop simples pendant les deux tiers du jeu, ceux du dernier tiers nous emmènent face à des boss capables soudainement de tuer en deux tours l’ensemble des monstres alignés, obligeant à revoir toute sa stratégie. On aurait aimé un titre mieux équilibré et une progression plus logique, ce qui aurait certainement rendu l’aventure plus appréciable.
Techniquement, le jeu rappelle Dragon Quest Treasure l’année dernière. C’est-à-dire un titre qui rame beaucoup, avec des chutes de framerate dans les zones ouvertes et une distance d’affichage très réduite. Sa direction artistique sauve parfois le coup avec un univers très coloré et des monstres qui fleurent bon la nostalgie pour les fans de la licence. D’autant plus que certaines zones sont très inspirées, comme un monde fait de génoise. Mais le problème sous-jacent de ces lenteurs est que l’on se retrouve dans un jeu où tout prend beaucoup trop de temps. Quand une capture de monstre est réussie, il y a systématiquement un petit ralentissement le temps que le jeu bascule du mode combat à la sélection de monstres à conserver ou à envoyer dans l’enclos (où sont gardés les monstres que l’on n’emporte pas avec soi, étant limité à 8 emplacements). Aussi, ce ralentissement se ressent lors des synthèses de monstres à chaque fois que l’on tente d’accéder aux détails de l’un d’eux afin d’en connaître les capacités avant de procéder à la synthèse. Je pense aussi aux transitions d’un monde à l’autre avec des chargements beaucoup trop longs ou encore des cinématiques avant et après chaque combat qui rendent les séances de gains d’expérience assez peu agréables. De manière générale, le titre est plombé par sa technique et pas seulement à cause des chutes de framerate dans les zones ouvertes.
Conclusion
On a probablement une aventure sympathique pour les joueurs à l’âme de collectionneur, déterminés à obtenir les plus de 500 monstres venus de l’univers de Dragon Quest. Mais il manque au Prince des ombres un petit quelque chose qui rendrait l’ensemble plus engageant. Trop peu convaincant sur une quête principale que l’on suit sans grande implication émotionnelle, pas vraiment aidé par une technique compliquée où tout prend trop de temps. On lui reconnaît sans mal le travail effectué sur la galerie de monstres, qui est exhaustive et qui propose de nombreux monstres spéciaux déblocables uniquement via la synthèse, poussant à l’expérimentation (notamment dans le dernier tiers du jeu). Alors, cela conviendra certainement aux collectionneurs, mais pour les personnes plus attachées à la narration, il est difficile de se prendre d’intérêt pour un titre qui met bien trop d’heures à dévoiler l’intérêt de ses systèmes.
Test réalisé par Hachim0n sur Switch à partir d’une version fournie par l’éditeur.