Herat, Kandahar, Kaboul. Comme le reste du monde, les Iraniens regardent avec surprise le spectacle de ce blitzkrieg conduit par les talibans en Afghanistan. Ils s’étaient préparés à la possibilité d’un effondrement de l’armée afghane dans le sillage du retrait américain mais, comme le reste du monde, Téhéran avait largement sous-estimé le niveau de préparation, l’efficacité et la rapidité de la machine guerrière des talibans.
Les autorités iraniennes s’étaient pourtant mises en état d’alerte dès le mois de mai, à la suite du retrait des forces américaines et au début de l’offensive talibane contre le gouvernement afghan. Inquiétées par un possible débordement du conflit, un flux de réfugiés et la montée en puissance de certaines factions sunnites extrémistes qui pourraient s’en prendre à la minorité chiite d’Afghanistan, les troupes s’amassent progressivement au cours de l’été le long de la frontière afghane.
Marquer des points contre Washington
Les canaux diplomatiques s’activent et, les 7 et 8 juillet, le ministre iranien des Affaires étrangères reçoit des délégations du gouvernement voisin et des talibans afin de tenter une médiation, tout en cherchant à remplir l’espace laissé vacant par les Américains qui sont sur le départ.
Les rumeurs vont bon train : certains experts parlent d’une possible intervention des Iraniens, d’autres d’un affrontement par milices interposées sur le modèle irakien. Mais l’Iran de 2021 n’est plus celui de la fin des années 1990. Certes, les divergences idéologiques persistent entre le régime des mollahs et celui des talibans qui “ne représentent pas une solution idéale”, note Fatemeh Aman, analyste au Middle East Institute. Mais l’arrivée à Kaboul d’islamistes sunnites ne terrorise plus Téhéran, qui depuis s’est accommodé de ses anciens ennemis jusqu’à coopérer avec eux, notamment dans le but de mettre à mal les intérêts américains dans le pays.
Malgré l’affairement à Téhéran, la reconquête territoriale des talibans se présente comme une occasion de gagner en influence régionale et, surtout, de marquer des points contre Washington. Afshon Ostovar, professeur à la Naval Postgraduate School en Californie et spécialiste de l’Iran, fait
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Stephanie Khouri