Reportage. En Inde, la colère rassemble les paysans hindous et musulmans



En Uttar Pradesh, dans les rassemblements contre la réforme agricole du premier ministre Narendra Modi, la colère partagée semble gommer l’opposition entre hindous et musulmans. Une nouvelle donne qui pourrait se traduire par un rejet du BJP, le parti au pouvoir, lors des prochaines élections.

Andolan hamari majboori hai.” [“Manifester, pour nous, c’est vital.”] C’est par ces mots que Mohit Khatiyan, paysan de 30 ans, commence son histoire. Alors que nous nous dirigeons vers un mahapanchayat, un rassemblement de paysans, dans le village de Bhainswal, dépendant du bourg de Shamli [à une centaine de kilomètres au nord de Delhi], Khatiyan me raconte comment ses espoirs ont cédé la place à un sentiment de trahison, et exprime des remords pour les violences qui ont agité la région il y a quelques années [En 2013, des émeutes entre hindous et musulmans ont fait une soixantaine de morts, en majorité musulmans, en Uttar Pradesh]. Il dit d’une voix ferme :

Nos esprits ont été assiégés. J’ai voté en tant qu’hindou [c’est-à-dire pour le parti nationaliste hindou du Premier ministre, Narendra Modi]. La prochaine fois, je voterai en tant que paysan.”

En cette matinée ensoleillée de début février, Mohit Khatiyan est dans le même état d’esprit que la plupart des personnes rassemblées ici. Cela fait plus de deux mois que des centaines de milliers de paysans convergent vers Delhi pour demander le retrait de trois réformes votées par le Parlement indien en septembre dernier [qui prévoient la dérégulation des tarifs agricoles, et donc, à terme, la fin des tarifs minimaux garantis par l’État]. D’abord apparue dans les États du Pendjab et de l’Haryana [deux grands producteurs agricoles], la contestation gagne à présent l’Uttar Pradesh, grand centre d’élevage bovin.

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“Les agriculteurs du Pendjab sont intelligents, ils ont été les premiers à comprendre. Nous avons mis plus de temps, mais nous sommes là aussi maintenant”, déclare Khatiyan.

“Le gouvernement doit plier”

Sur un terrain communal, à peine plus grand qu’un terrain de football, une foule ininterrompue se presse pour assister au mahapanchayat, bien qu’il n’ait pas été autorisé par les autorités locales. Les participants semblent indifférents au fort déploiement de police, et sifflent et jouent du tambour. Certains tentent même de prendre la pose avec eux, installés sur un char à bœuf décoré du drapeau national indien.

D’autres brandissent de longues cannes à sucre – la principale production de leur région. Ils sont nombreux à arborer le couvre-chef ou le drapeau d’un parti politique régional – le Rashtriya Lok Dal (Parti national du peuple, RLD) – qui avait bénéficié du soutien des agriculteurs jats hindous et musulmans, avant d’être balayé après les émeutes communautaires de 2013.

Le rassemblement compte maintenant plus de 15 000 personnes. Sur la scène, les notables locaux peinent à maintenir le calme.

“Ce gouvernement a tourné le dos à vos besoins, tournez-lui le dos aux prochaines élections”, lance Jayant Chaudhary, ancien parlementaire et vice-président du RLD.

En périphérie de la foule, près d’un étroit canal, se trouve Jitendra Malik, un paysan venu d’un village à 25 kilomètres de là

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Sayantan Bera

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La paranoïa du régime de Modi

Le 14 février, la militante écologiste Disha Ravi, 22 ans, a été arrêtée pour “sédition” parce que, selon la police, elle participait, sur les réseaux sociaux, à une campagne mondiale de soutien aux paysans qui manifestent contre les nouvelles lois” de libéralisation des marchés agricoles, ce qui équivaut à “mener une guerre” contre l’Inde.

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D’après les philosophes Shaj Mohan et Divya Dwivedi, qui analysent la situation dans The Wire, le soutien international aux agriculteurs indiens – apporté notamment par Greta Thunberg, Rihanna et Meena Harris – montre que leur problématique s’inscrit dans le cadre de questions planétaires. Mais en Inde la liberté d’expression est bafouée et le régime choisit la répression. “Les nombreuses lois et décisions de justice de ces dernières décennies ont systématiquement trahi la promesse démocratique”, disent-ils.

Ces derniers jours, Narendra Modi a dénoncé les “professionnels de la manifestation” et les “parasites” étrangers qui manipulent, d’après lui, le mouvement paysan. “Il est pris de paranoïa, mais de quoi a-t-il peur ?” s’interroge la chroniqueuse Tavleen Singh dans l’Indian Express.

Source

Fondé en 2007 par HT Media Ltd, l’une des plus importantes sociétés multimédia indiennes, en collaboration avec The Wall Street Journal, le titre est le concurrent direct du plus vieux quotidien économique du pays : The Economic

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